dimanche 18 novembre 2007

Dans le Voir.ca...

25 octobre 2007

Dans les câbles.
Éric Paquin

Pour son premier roman, Simon Girard se glisse dans la peau d'une écorchée vive ayant choisi la boxe comme exutoire à sa désespérance.
Victime d'un père abuseur dès l'âge de 7 ans, Rose ne parvient à se défaire que graduellement des plaies de son enfance. Danseuse nue, elle ne consomme toutefois ni alcool ni drogue, ce qui lui permet de mettre assez d'argent de côté pour être indépendante quand viendra le temps de quitter le métier. Ce moment survient assez tôt dans la vie de Rose, alors âgée de 20 ans: peu après avoir frappé son père qui est venu la voir danser au Gold, elle démissionne, franchissant un nouveau pas vers la liberté. Un pas qui la conduit directement dans un gymnase de boxe où elle comblera un besoin qu'elle ne peut plus se permettre de refouler: cogner.

Sur un canevas qui pourrait apparaître quelque peu usé (celui du jeune défavorisé qui s'en sort par le biais du sport), Simon Girard pose un regard étonnamment personnel et rafraîchissant. Même si la relation platonique unissant son héroïne au substitut paternel que représente le vieux Coach nous fait immédiatement songer à celle de Million Dollar Baby, l'écrivain évite l'approche psychologisante qui accompagne souvent ce genre d'histoire. Véritable objet littéraire, y compris dans ses légères imperfections, Dawson Kid suggère davantage qu'il n'explique, provoque intelligemment plutôt que de chercher à choquer inutilement, tant par l'originalité de sa voix que par la brutalité de son propos.
Ce propos, auquel l'intrigue sert de prétexte, c'est quelque chose comme le sentiment que l'être humain a de sa propre mortalité. Jusqu'au tournoi final sur lequel le roman s'achève inévitablement (et de façon tragique), Rose est habitée par cette idée qui la fait hésiter entre sa volonté d'en finir une fois pour toutes et celle de donner encore une chance à la vie. Mais dans le wagon du métro où, à la toute première page du roman, la narratrice songe à mettre fin à ses jours, c'est le suicide de quelqu'un d'autre qui la frappe, l'imprégnant du souvenir d'un "temps mort", celui où le corps de l'inconnu, heurté sous ses yeux et encore debout pour un très bref instant, semble "immobilisé pour la photo de la mémoire". Ce motif du mur (mur auquel on se frappe, écran ou miroir qui nous renvoie notre propre image) parcourt ainsi tout le livre. Selon Rose, les suicidaires sont toujours les mieux placés pour témoigner de la valeur de la vie...
Lorsque survient la tuerie du Collège Dawson, auquel le titre du roman fait écho, Rose se questionne justement sur sa propre agressivité. Grande lectrice de journaux, elle critique le traitement médiatique de cette affaire qui nourrit dans la population l'effet de crainte recherché par le tueur auquel elle s'identifie brièvement: "Je les comprends, ces tueurs, qui se détestent tellement [...] et se retournent contre le monde pour survivre un peu plus longtemps, avant d'en finir." Parlant le langage de la désillusion et de l'insensibilité, Rose laisse malgré tout poindre la possibilité d'une rédemption au bout de sa "vie morte depuis longtemps". La liaison qu'elle entretient depuis peu avec son voisin Otto, et au sein de laquelle elle accepte peu à peu de s'ouvrir à l'autre, témoigne d'une pulsion de vie qui confère une touche d'espoir essentielle à Dawson Kid.

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