samedi 29 décembre 2007

Chez Planete.qc.ca...

Lundi le 19 novembre, 2007.
par Louise Turgeon

Prix Robert-Cliche du premier roman 2007
Balade en train assis sur les genoux du dictateur
de STEPHANE ACHILLE

Le prix Robert-Cliche de l’année 2007 est remis à Stéphane Achille pour son premier roman, Balade en train assis sur les genoux du dictateur.

Stéphane Achille présente ainsi son roman : un concours de circonstances amène un musicien frustré à suivre un dictateur sud-américain dans son pays et dans l’exercice de ses fonctions dictatoriales.

Mon comptable à moi m’a demandé de lui présenter toutes les dépenses et tous les revenus de mon disque pour faire mes impôts, et il a mis fin à ma carrière musicale.

Le musicien « raté », qui est le narrateur du roman, part alors pour New York où il rencontre Manuel, un homme au français impeccable et dont le teint basané laisse deviner des origines sud-américaines.

Après seulement trois conversations, il accepte l’invitation de Manuel à l’accompagner pour visiter son pays.

C’est le début de cette drôle de balade que Stéphane Achille nous raconte dans une succession de chapitres très courts, faisant alterner les souvenirs douloureux du musicien parisien et de ses déboires pour produire son premier disque, avec le récit de cet étrange périple en compagnie du dictateur de ce pays d’Amérique du Sud qui ne sera jamais nommé.

Balade en train assis sur les genoux du dictateur tourne autour des conversations entre les deux hommes en voyage.

Dans ce duo plus qu’improbable, qui conservera jusqu’au bout une certaine part de mystère, nous constatons petit à petit que la naïveté ou le cynisme ne sont l’exclusivité ni de l’un ni de l’autre.

La relation entre les deux hommes, fondée sur un rapport de force évident au départ, devient de plus en plus complexe.

Le roman présente ainsi plusieurs retournements qui sont évoqués de manière très subtile par son auteur.

Tous les terrains deviendront glissants, que ce soit le mythe de l’artiste et du créateur, ou les modes et leur médiatisation qui suggèrent aussi une forme de dictature, ou encore les régimes socialistes s’avérant totalitaires...

Stéphane Achille tisse ainsi un climat inquiétant, dans lequel le lecteur ne peut s’appuyer sur aucune certitude.

Avec un récit rythmé et dynamique, qui ne faiblit pas tout au long de ses 79 chapitres, l’auteur réussit à créer aussi un vrai suspens, car on se demande jusqu’à la fin où cet étrange voyage pourra bien mener les protagonistes.

«Je viens de sauver une vie mais j’ai déjà tué deux hommes. Je suis donc toujours déficitaire d’une vie mais je viens de réduire mon déficit de moitié. La comptabilité continue de me poursuivre, que je pense en souriant, sachant que c’est de très mauvais goût. »

dimanche 16 décembre 2007

Dans Le Devoir..

Prix Robert-Cliche 2007 du premier roman - Stéphane Achille mêle naïveté et cynisme.
Caroline Montpetit
Édition du samedi 10 et du dimanche 11 novembre 2007

Son premier roman, qui a remporté le prix Robert-Cliche cette semaine, propose le voyage improbable d'un jeune musicien français frustré, sur les genoux du dictateur d'un obscur pays d'Amérique latine. Balade en train sur les genoux du dictateur, paru chez VLB, est une fantaisie maîtrisée qui oppose l'individualisme marqué d'un jeune homme du Nord à l'idéalisme totalitaire et abusif d'un chef d'État autoproclamé du Sud. Deux personnages qui ont plus en commun qu'il n'y paraît au départ. En entrevue, Stéphane Achille dit même que le dictateur va jusqu'au bout de ses idées, tandis que le musicien est freiné par son besoin de tout contrôler.

Stéphane Achille n'a pourtant jamais voyagé dans la contrée lointaine où il emmène son lecteur, et qui n'a d'ailleurs pas de nom, même si le dictateur qui la dirige a quelques traits en commun avec Fidel Castro, notamment la barbe et l'uniforme. En fait, c'est en rêve qu'il a fait connaissance avec ce dictateur «à la Castro», envers lequel, prisonnier, le narrateur éprouve un mélange de soumission et de dégoût. Dans ce rêve, le dictateur trimballait effectivement Achille sur ses genoux, pour qu'il le regarde faire des démonstrations de puissance, des exécutions.

«Quand j'ai fait ce rêve, dit-il en entrevue, j'ai su que cela illustrait mon rapport avec le pouvoir, qui est fait d'un sentiment double.» On pourrait d'ailleurs refermer ce livre en se demandant si le narrateur a rêvé ce séjour incroyable au cours duquel non seulement il a assisté à des assassinats, mais il en a même commis, et pas des moindres. Ce rapport ambivalent avec le pouvoir incarné par un dictateur n'est pas le seul trait de caractère que Stéphane Achille partage avec son narrateur.

Comme lui, Achille a autoproduit un disque, il y a quelques années, entreprise qui s'est soldée par un échec commercial et qui l'a laissé désabusé du monde de l'industrie de la musique. En ce sens, les premières pages de son roman sont de l'autofiction, admet-il, même si on bascule vite dans un monde totalement imaginaire. Plus tard, Stéphane Achille, dont on peut trouver la musique dans le site achillemusique.com, a décidé de lancer son deuxième disque directement dans Internet, pour éviter les coûts de distribution, de gravure, de pochettes, etc.

Mais, il le reconnaît lui-même, la littérature, qu'il a étudiée, lui a, à ce jour, donné plus de visibilité que la musique. En fait, Stéphane Achille a déjà remporté un concours universitaire, le concours universitaire de nouvelles Paul-Valéry, pour son texte Le Mur, lorsqu'il faisait une licence en lettres modernes à Montpellier, en 1997. Plus tard, il est arrivé cinquième pour le Prix du jeune écrivain, avec une nouvelle intitulée Le Chien et publiée au Mercure de France. Il a gagné le deuxième prix de la Maison de la culture des étudiants de l'UQAM en 1999 pour Les Chats, puis le sixième prix au concours Nouvelles fraîches pour Propos écrits recueillis à l'oreille. De retour au Québec, il a terminé un diplôme en traduction, un métier qu'il exerce aujourd'hui dans le monde de la finance, quand il n'est pas en pleine création.

Dans le Voir.ca...

Stéphane Achille
Balade en train assis sur les genoux du dictateur
T.M.-R. 22 novembre 2007

Quand on se cale dans un fauteuil avec entre les mains un roman au titre aussi évocateur et à la jaquette aussi élégante, jaquette à laquelle on vient de retirer son joli bandeau du prix Robert-Cliche du premier roman 2007, on a déjà un petit sourire aux lèvres, convaincu de s'engager dans un bon moment de lecture. On tique assez vite devant ces chapitres maigrelets, dont plusieurs ne comptent pas plus de trois ou quatre paragraphes et qui hachurent inutilement l'action, mais on se dit que tout de même, l'histoire d'un jeune musicien français frustré se retrouvant du jour au lendemain dans le proche entourage d'un dictateur sud-américain, ça nous réserve de belles choses. Et puis bof. On tique et on retique, tantôt à cause de l'écriture un peu scolaire, qui piétine, tantôt à cause de ce personnage central d'une naïveté invraisemblable, auquel on n'arrive jamais à croire, et on finit par trouver très curieux le choix du jury d'un prix qui, dans ses bonnes heures, nous a fait découvrir Madeleine Monette, Robert Lalonde, Gilles Jobidon... Décevant. VLB éditeur, 2007, 192 p.

samedi 15 décembre 2007

La Recrue du mois de Janvier : Stéphane Achille - Balade en train assis sur les genoux du dictateur

Stéphane Achille est né à Saint-Jérôme, dans les Laurentides, en 1974. Il a habité à Rosthern, en Saskatchewan et à Montpellier, en France. Il est titulaire d’un baccalauréat en études littéraires de l’Université du Québec à Montréal, d’une licence de lettres modernes de l’Université Montpellier III et d’un diplôme d’études supérieures spécialisées en traduction de l’Université de Montréal.

Il a remporté, en 1997, le premier prix au concours de nouvelles Paul Valéry en herbe de l’Université Paul-Valéry à Montpellier pour « Le mur ». Sa nouvelle « Le chien » lui a valu de se classer cinquième au Prix du jeune écrivain 1998 et a été publiée aux éditions du Mercure de France la même année. En 1999, il a obtenu le deuxième prix au concours de nouvelles de la Maison de la culture des étudiants de l’UQAM pour « Les chats » et il a également remporté le sixième prix à la treizième édition du concours Nouvelles fraîches pour « Propos écrits recueillis à l’oreille ». En 2003, il lançait « Exposition », son premier album musical, et, en 2007, paraîtra « Variation », un mini-album en écoute libre sur son site Internet www.achillemusique.com. Stéphane Achille habite actuellement Montréal et il est traducteur depuis 1999.




Quatrième de couverture : Dans un restaurant de New York, un musicien sans succès croise un homme en complet gris accompagné de gardes du corps. Après quelques rencontres amicales, l'homme invite le musicien à visiter son pays. Et les voilà à bord d'un train sillonnant un pays d'Amérique du Sud où règne la terreur. Or cette terreur est à sens unique, car l'homme au complet gris est « président à vie » du pays en question, un dictateur qui gouverne son peuple l'arme au poing. Sous sa soudaine et imprévisible tutelle, l'innoncent musicien se verra asséner de mémorable leçons. Roman humoristique et cruel sur le pouvoir, écrit avec un enthousiasme communicatif, Balade en train assis sur le genoux du dictateur nous entraîne dans un voyage étrange et captivant.

Source : VLB éditeur

Combat inégal

Dans le métro, Rose est témoin d’un suicide. Traité par l’auteur comme un ballet macabre méticuleusement chorégraphié, cet élément déclencheur nous plonge d’entrée de jeu dans un univers sombre, vaguement malsain, mais duquel se dégage malgré tout une certaine poésie. On suit ensuite pas à pas le parcours de Rose, jeune femme pétrie d’ambivalence et emplie d’une colère sourde, qu’elle tente de sublimer à travers la boxe mais qu’elle ne réussit jamais à contrôler entièrement (violence latente qui se transmet également à sa sexualité).

J’aurais aimé pouvoir m’attacher à cette enfant en marge d’elle-même, à cette jeune fille qui tente de s’émanciper d’un passé trouble, à cette femme qui se cherche dans une sexualité hors normes, mais je n’ai malheureusement pas réussi à le faire. Question de ton, de style? Les descriptions de l’univers si particulier de la boxe, que ce soit la salle d’entraînement, les séances avec Coach, les matchs eux-mêmes, sont particulièrement réussies et dénotent une maîtrise certaine du langage. Les retours dans le passé de Rose – notamment les allusions répétées à ce fameux texte rédigé en Secondaire I qui, selon moi, ne méritait certes pas un 10/10 – convainquent beaucoup moins.

Incapable de saisir la nature exacte de l’objet littéraire créé par Simon Girard, je me suis longuement interrogée. Cherchait-il à faire le récit d’une jeunesse blasée, revenue de tout, qui choisit la violence plutôt que la résistance? Capitalisait-il sur la tuerie de Dawson pour attirer l’attention? Devais-je percevoir le récit comme un roman d’apprentissage, dans laquelle l’héroïne tente d’exorciser un passé familial très lourd? À force de danser sur place, d’essayer de deviner la tactique de l’adversaire, difficile de se laisser happer par l’histoire, à moins qu’elle ne soit narrée avec un style exceptionnel, ce qui n’est pas le cas ici selon moi. J’ai donc abandonné la partie, à défaut d'être mise K.O.

Le coeur en poing

Rose n’a rien de rose. Une vie qui l’a éprouvée. Une famille qui l’a humiliée. Un vide intérieur qui la ronge, la hante alors qu’elle songe constamment à la mort. Pourtant, Rose vit. Avec une rage au ventre. Quand survient la tuerie du collège Dawson, Rose vient de quitter son emploi de danseuse nue. Alors qu’elle pose un regard cru sur le geste du tueur, elle le condamne tout en cultivant une autre forme de violence : celle du ring. La boxe. Car Rose frappe. Frappe et frappe encore. À travers ses larmes, elle entrevoit peut-être une lumière dans la présence Coach, vieil homme usé par la vie et les combats, et dans celle de son voisin et amant de passage, Otto.

Curieux roman que Dawson kid. J’en ai aimé l’écriture saccadée, rythmée, intense. On y voit un rapprochement entre les coups de poing de l’héroïne. Une écriture qui frappe.

Pour le reste, je suis dubitative. Le personnage de Rose est ambigu. Il s’agit d’une jeune femme meurtrie. Obsédée par ses démons, mais très lucide sur la vie. Elle lit beaucoup, malgré ses origines modestes, le milieu duquel elle est issue. Elle écrit, aussi. Car la narration est au « je » et le roman est bâti comme un journal intime. Mais quelque chose dans la cohérence du personnage cloche. D’abord, l’agressivité de Rose finit par agacer puisqu’elle ne mène, finalement, nulle part. Le personnage n’évolue pas. L’histoire se termine en queue de poisson et on se serait attendu à un minimum de « guérison » ou de prise de conscience. Mais non. Le lecteur n’a été mené nulle part ailleurs que dans les élucubrations noires et agressives du personnage central.

Un autre aspect qui m’a agacée est qu’on a du mal à croire à la féminité de Rose. Si l’auteur a réussi, avec ce neuvième essai, à se sortir de l’auto-fiction, on sent malgré tout l’inspiration qu’il puise à sa propre vie. Les réflexions de Rose, sa violence, ses fantasmes sexuels où elle s’imagine violer des hommes m’ont fait sourciller. Finalement, j’ai senti un piétinement de l’histoire vers le milieu du livre. J’avais été happée par le style efficace, frappant, de Simon Girard, mais j’ai vite été étourdie et lassée par la succession des coups de poings.

Un livre qui frappe, certes. Mais sur quelle cible? Je ne sais trop.

Un combat de trop!

Une danseuse nue devenue boxeuse qui aime se perdre dans les livres, fantasme sur la masturbation à répétition et qui a toujours son arme au bout du bras, ça me dérange! Traiter l’abus et la violence par la violence? Je n’ai jamais pensé que c’était la bonne méthode à utiliser et l’auteur ne m’a certainement pas convaincue avec son texte… J’ai refermé le livre après chacun des quatre premiers chapitres en me disant que je n’arriverais pas à me rendre jusqu’au bout. Je l’ai fait par respect de mes engagements, mais ce livre ne se retrouvera certainement pas dans le bas de Noël de mon entourage… J’ai trouvé cela vraiment désagréable que le prétexte de Dawson ait servi à déclencher une autre vague de violence… chez une femme en plus! Beaucoup d’intensité dans certains passages et trop peu dans bien d’autres. Il a définitivement perdu son combat avec moi!

Cible ratée

À part son rythme rapide, nerveux et efficace, j’ai du mal à trouver d’autres aspects positifs à ce roman inachevé. Dawson kid est, tout au plus, un bon manuscrit qui aurait mérité plusieurs retouches avant d’être publié. L’action n’évolue pratiquement pas d’un couvert à l’autre. On nous sert la même sauce à répétition. Le style, loin d’être maîtrisé, est parfois confus. C’est comme si on lisait un tas de mots mal définis qui ne vont pas toujours ensemble.

Le sujet n’est pas mieux. L’histoire de cette jeune fille pleine d’une violence incommensurable qui tente de la faire sortir par le biais de la boxe ou en cognant sur tout ce qui l’entoure manque cruellement d’originalité. Évidemment, sa révolte la pousse à devenir danseuse nue question de se venger sur les hommes et elle se réfugie dans une sexualité brute pour les mêmes raisons. À part quelques retours sur le passé de Rose, l’auteur ne va jamais dans la profondeur des enjeux préférant rester à la surface d’un comportement violent. Les réelles intentions du personnage nous échappent complètement et ça devient vite lassant pour le lecteur.

Je n’ai pas toujours cru au fait qu’il se soit mis dans la peau d’une fille. Dans la plupart des situations, c’est un gars que j’imaginais à la place de Rose. Son obsession pour la masturbation (ça revient constamment tout au long du roman) m’apparaissait comme étant celle d’un gars. Pareil pour l’envie de cogner sur tout ce qui bouge. Je me trompe peut-être, mais c’est comme ça que je l’ai ressenti.

Le lien avec la tuerie de Dawson n’est pas vraiment exploité et m’a semblé un peu facile surtout lorsqu’on a lu le magistral Il faut qu’on parle de Kevin de Lionel Shriver. Simon Girard a voulu en mettre plein la vue en exploitant le thème de la violence, mais à trop vouloir la décrire il a fini par rater sa cible.

Et moi j'ai aimé me battre avec ce livre...

Rose Bourassa ne l’a pas eu facile. Elle a 20 ans à l’automne 2005 quand elle décide de quitter le bar de danseuses où elle travaille, le même automne où un tueur débarque au Collège Dawson lourdement armé emportant sa propre vie et celle d’une jeune étudiante. Rose Bourassa change de vie cet automne-là.

Ce roman porte sur la violence. Celle de nos sociétés, celle des familles, mais aussi sur la violence intime, celle qui rampe au fond de nous. Un Xième roman sur la violence et sur la résilience ? Comme j'en suis sortie bouleversée, il faut croire que le sujet n’est pas encore épuisé. Le coup de force de Simon Girard c’est d’arriver à évoquer les zones floues de la violence entre les rôles de bourreau et de victime. Nous rappelant que le bourreau d’aujourd’hui est souvent la victime d’hier, quand il n’est pas le héros de demain. Le titre même du livre évoque cette ambivalence : «Dawson kid» est-ce le jeune homme meurtrier ou la jeune fille morte de sa folie ? À qui Rose ressemble-t-elle le plus ? Justification de la violence ? Ce n’est pas ce que j’en ai retenu, mais une danse très habile sur un fil très mince avec un personnage principal souvent détestable auquel j’ai pourtant complètement adhéré.

La grande force de l’ouvrage : une narration soutenue, étourdissante, comme sur un ring de boxe. Avec des uppercuts littéraires et des mises au tapis. Par moment, il m’a semblé que c’était un peu trop. J’en arrêtais de lire attentivement à force d’être portée par des réflexions circulaires et décousues. Mais c’est mineur en comparaison au plaisir (est-ce du plaisir vraiment ?), disons plutôt à l’engagement que ce roman a fait naître en moi. Maintenant j’ai envie de faire de la boxe.

KO dès le 1er round !



Elle s'appelle Rose Bourassa. Elle a vingt ans. Il y a deux choses qui ne la quittent jamais. L'idée de la mort, sa propre mort, et une sourde envie de cogner. Que ce soit au Gold, où elle danse autour des poteaux et aux tables, ou dans les couloirs du métro. Jusqu'au jour où elle commence son entraînement à la boxe et où elle fait la connaissance de Coach. Coach qui lui enfonce ses gants comme une mère met sa tuque à son enfant, en la brassant un peu, parce qu'elle est dans la lune, au paradis, entre des mains aimantes. Elle se dit alors qu'elle a peut-être réussi à faire reculer sa mort.
(Extrait du 4ème de couverture)


Je vais être directe : je n'ai pas du tout aimé. Il m'a été impossible de m'attacher au personnage de Rose et à son histoire, ainsi qu'à l'écriture de Simon Girard que j'ai trouvé trop orale, trop proche du langage parlé. Je n'ai ressenti aucune émotion, aucune sensibilité dans ce roman. Ce fût donc une lecture extrêmement pénible car je voulais quand même aller jusqu'au bout, recrue oblige ! Mais non, à aucun moment, je n'ai crû en ce personnage de femme et en son histoire. Et impossible de me raccrocher à l'écriture de Simon Girard. Dommage !

Coups, sueurs et révolte

Je vous le dis d'emblée, Dawson kid est un roman rude... brutal. Rose Bourassa a le coeur froid et n'a pas froid aux yeux. Qu'on se le dise : elle frappe, frappe sur son mal de vivre, sa rancoeur vis-à-vis sa famille, ses frères, son père et la société. Elle s'offre la jouissance d'un déluge de coups qu'elle n'essaie même pas de mesurer. Elle cogne fort et après seulement, elle réfléchit. Pour Rose, les coups sont une thérapie personnelle, comme on dit ici : elle fait sortir le méchant; et dans son cas, c'est une question de survie.

Extrait :

Si j'ai voulu me tuer si souvent ces dernières années, c'est pour la raison de celle qui m'y poussait avant : je ne sens plus rien, donc je n'ai plus mal. Donc rien ne me dit que je suis vraiment en vie, encore. La tête a de la difficulté à y croire. En rêve on se pince, alors que dans la vie on se casse, on essaie en tout cas, on y pense, pour le moins. Si je n'ai jamais eu qu'un seul espoir, c'est de voir le jour où renaîtra la petite princesse rebelle, celle qui n'avait pas peur des coups, qui pouvait tout prendre, qui était née pour faire la guerre, à tout, qui allait tout défoncer. Je ne veux pas, plus jamais pleurer, je suis convaincue qu'il y a des façons plus constructives de sortir le méchant ; je l'ai fait avec tous ces livres que je tenais dans mes jeunes mains. (p. 30)

Simon Girard nous offre un roman extrême rempli de sueurs et de révolte. Une écriture « punchée » sans moyen d'esquiver les émotions pêle-mêle qui surgissent au travers des lignes denses sans répit. Après cette lecture, on se dit : ouf ! J'en suis sortie sans trop de bleus. Lecture très intense.

Réf. : Dawson Kid, Simon Girard, Boréal, 2007, 192 pages, ISBN : 13 978-2-7646-0556-1

vendredi 14 décembre 2007

Rose épineuse

N'attendez pas de moi que je dise que c'est un livre coup de poing. Trop tentant, trop lu, trop vu, s'en est quasiment comique.


Il y a d'autres choses à dire de l'histoire de cette femme écorchée qui trépigne sur un pied et sur l'autre, une femme « gars » avec l'adrénaline poussé à bout et la testostérone à fleur de peau. Cette Rose, une jeune femme que l'on suit en ressentant un fort inconfort. J'ai éprouvé de la difficulté à la suivre, autant qu'à l'abandonner. Pourquoi ne pas l'avoir abandonnée ? Sa douleur répétitive a quelque chose de lassant, une douleur qui ne mène nulle part, c'est dur sur les nerfs. Un exploit de l'auteur qui a réussi à me raccrocher à ses problèmes grossis à la loupe, ces coups de poing (bais oui, je succombe !) à la vie et à celui qui lui a donné la vie. Je me le suis demandé, vous pensez bien, pourquoi si difficile cet attachement, grandissant lentement avec les lignes qui nous passent sous l'oeil ? Je réponds à cause de l'intensité, palpable, celle du créateur de Rose, et je nomme Simon Girard. On sent que ça bouillonne dans cette tête d'écrivain qui pousse le crayon avec instinct et fougue. Son principal talent est de laisser bouillir à gros bouillons sans mettre de couvercle. Il ne faudrait pas mettre de couvercle, ça déborderait c'est sûr.


L'attachement à Rose est essentiel puisque l'on souffle en même temps qu'elle et je l'ai eu ardu, laborieux, pour refus de son sexe. J'ai refusé son « femme » longtemps, presque tout le temps. Je ne la voyais pas femme, cette Rose épineuse. J'entendais et voyais l'auteur tout le temps souffler dans son personnage comme dans un personnage gonflable. Ce n'était pas Rose qui apprenait à donner les coups de poing au bon endroit, entre quatre cordes bien tendues, mais un homme, l'auteur c'est certain. Et puis, il faut dire que les premières scènes de boxe m'ont quelque peu lassée. Décortiquer à ce point un coup de poing, c'est du haut voltige d'écrivain mais est-ce que la spectatrice cloisonnée que j'étais, et non férue de boxe a embarqué dans le ring ? Non. Le goût a été grand de sauter quelques crochets mais je ne l'ai pas fait par respect pour l'auteur, si présent, si intense dans son désir d'être. On ne raccroche pas au nez de quelqu'un qui nous raconte sa vie par petits coups, haletant.


Certaines phrases, certains paragraphes m'ont laissée coite, c'était senti pas seulement écrit, j'étais béate d'admiration devant cet oubli de soi pour se laisser aller au geste d'écrire. Écriture nerveuse et instinctive. Écriture qui s'abandonne.


J'ai hâte de voir le prochain sujet de l'auteur, bien sûr, j'ai hâte. Se donner un peu plus de temps pour peaufiner, pour sortir du jet à l'état brut, qu'est-ce que ça donnerait ? J'ai l'impression que l'auteur écrit à chaud mais que le travail de réécriture n'est pas son fort, entraînant dans le texte des mouvances qui pourraient décourager certains impatients. À ce qui me semble.


Mais un jour, mêlant l'ardeur naturelle au travail acquis, un chef d'oeuvre, pourquoi pas, pourrait être à portée de plume.


mercredi 28 novembre 2007

De bonnes nouvelles pour une "Recrue"!

Les carnets de Douglas, de Christine Eddie se retrouve parmi les douze livres sélectionnés de la liste préliminaire du Prix des Libraires du Québec 2008!

Souhaitons-lui bonne chance!

dimanche 18 novembre 2007

Sur cyberpresse.ca...

Jade Bérubé
La Presse
Collaboration spéciale

Publié au Éditions du Boréal, Dawson Kid de Simon Girard nous atteint comme un coup de poing bien placé, sans possibilité d'esquive. Par la voix de Rose Bourassa, 20 ans, danseuse au Gold devenue insensible suite à une avalanche de désillusions, l'auteur livre un premier récit audacieux s'inspirant du phénomène des tueries.

Q: On dit que vous avez écrit plusieurs livres, mais Dawson Kid est votre premier publié. Pourquoi? Qui est donc Simon Girard?

R: Je suis un garçon de 28 ans qui sort de sa grotte (rires). Il y a 5 ans, je me suis volontairement isolé dans le but d'écrire, en autodidacte car je n'ai fait que deux sessions d'université. Et puis une promesse de contrat d'édition pour un des mes écrits est un jour tombée à l'eau. J'ai paniqué. J'ai alors écrit comme une machine, compulsivement, pour réparer. J'ai écrit environ 6 romans jusqu'à ce que Dawson Kid arrive.

Q: Bien que la tuerie de Dawson ne soit qu'un des ressorts dramatiques, elle semble avoir été un moteur important de votre écriture...

R: Oui c'était un défi. Je ne voulais pas prendre le tueur comme protagoniste parce que ça aurait été trop facile. J'ai préféré une fille qui a le bagage émotif pour passer à l'acte mais qui est finalement prise de vitesse. Et je voulais qu'elle suscite notre empathie. Pour elle, la tuerie n'est qu'un révélateur qui finalement lui fait prendre un autre chemin. Un meilleur chemin que le tueur? Je ne sais pas. La beauté et l'horreur sont toujours dans la même pièce... L'autre défi était d'écrire une histoire complexe, précise, fine et en même temps accessible.

Q: N'était-ce pas risqué que de se servir de cet événement jusque dans le titre?

R: Oui. Et je ne suis pas une seconde gêné car je sais que c'est une bonne histoire. Je tenais à dénoncer le réflexe de la langue de bois que l'on retrouve après les tueries. Comme si on devenait tous des politiciens quand on en parle. Tout le monde dit la même chose convenue sur ces événements. Ma liberté de créateur a été piquée à vif. On a le droit d'avoir une version des faits différente.

Q: Pourquoi avoir choisi de prendre la voix d'une jeune femme? Et comment être arrivé à une telle justesse?

R: On m'a un jour fait réaliser qu'à travers l'autofiction, je n'écrivais toujours que la même histoire. Ça ma fouetté. J'ai alors cherché à m'éloigner à tout prix de ma vie personnelle tout en continuant de raconter des choses qui me touchaient. Le personnage de Rose est né après avoir lu dans le journal un reportage sur les filles de gang. Pour la justesse, je crois que si on ne connaît pas bien le sujet, on est d'autant plus habile pour inventer ce qui peut remplir les trous. Quand tout est ancré dans la réalité, le fait de raconter l'histoire sur papier perd de sa fonction.

Q-Votre personnage principal, Rose, s'inquiète de son insensibilité. Faites-vous le même constat?

R: En quelque sorte oui. Je parle d'insensibilité comme je pourrais aussi parler " d'habitude ". Quand on s'habitue, on réagit de moins en moins. Soudainement, on réalise qu'on est moins sur le mode de la découverte, de la sensation. La surexposition médiatique génère aussi cet état. C'est une façon de survivre mais c'est aussi une façon de dire : je vois ce qui se passe, je suis témoin, mais ça ne me regarde pas. Cette notion fait effectivement partie de l'aspect éditorial que j'ai voulu donner de l'événement de Dawson.
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Le dimanche 09 septembre 2007

Dans le ring avec Simon Girard

Valérie Gaudreau
Le Soleil
Collaboration spéciale
Québec

Chaque rentrée littéraire est faite des mêmes attentes : celle du retour de valeurs sûres et d’espoir de découvertes. Cette année, la découverte est arrivée comme un coup de poing et ça s’appelle Dawson Kid, de Simon Girard. Inconnu jusqu’ici, ce Montréalais de 28 ans marque des points dès le premier round avec ce premier roman qui nous présente Rose Bourassa, 20 ans, une danseuse nue qui largue tout pour voir aller voir ailleurs si elle y est. Mais elle ne va pas très loin : le métro, son appartement, la lecture et la solitude comme seuls refuges. Traînant les blessures d’une enfant battue et abusée dès l’âge de sept ans, Rose est déjà vieille.

Elle est maganée, la jeune Rose, et au moment où se produit la tuerie du Collège Dawson, à laquelle le titre du roman fait allusion, elle se dit qu’elle aurait peut-être bien pu, elle aussi, être un « petit garçon mal grandi » qui a fini par crier sa rage au bout d’un fusil. Le suicide ? Rose y a pensé, mais en attendant, elle laisse une chance au destin et son envie de frapper un grand coup, elle l’exprimera au sens propre, en devenant boxeuse. Mieux, « cogneuse », c’est encore plus fort. Et violent. Aidée d’un coach aussi énigmatique que bienveillant « qui lui enfonce ses gants comme une mère met sa tuque à un enfant », Rose criera toute sa souffrance avec ses poings, son cœur et ses larmes. Ses poings, et son cœur, Simon Girard les a visiblement sortis aussi pour écrire ce roman intense, touchant et vif qui démontre une formidable capacité à décrire les émotions de cette jeune femme déboussolée. Malgré le nom du personnage, rien n’est très rose dans Dawson Kid, mais en sortant du ring, un peu sonné, on se dit que le combat en aura valu la peine. On a déjà hâte au deuxième round.

Dans le Voir.ca...

25 octobre 2007

Dans les câbles.
Éric Paquin

Pour son premier roman, Simon Girard se glisse dans la peau d'une écorchée vive ayant choisi la boxe comme exutoire à sa désespérance.
Victime d'un père abuseur dès l'âge de 7 ans, Rose ne parvient à se défaire que graduellement des plaies de son enfance. Danseuse nue, elle ne consomme toutefois ni alcool ni drogue, ce qui lui permet de mettre assez d'argent de côté pour être indépendante quand viendra le temps de quitter le métier. Ce moment survient assez tôt dans la vie de Rose, alors âgée de 20 ans: peu après avoir frappé son père qui est venu la voir danser au Gold, elle démissionne, franchissant un nouveau pas vers la liberté. Un pas qui la conduit directement dans un gymnase de boxe où elle comblera un besoin qu'elle ne peut plus se permettre de refouler: cogner.

Sur un canevas qui pourrait apparaître quelque peu usé (celui du jeune défavorisé qui s'en sort par le biais du sport), Simon Girard pose un regard étonnamment personnel et rafraîchissant. Même si la relation platonique unissant son héroïne au substitut paternel que représente le vieux Coach nous fait immédiatement songer à celle de Million Dollar Baby, l'écrivain évite l'approche psychologisante qui accompagne souvent ce genre d'histoire. Véritable objet littéraire, y compris dans ses légères imperfections, Dawson Kid suggère davantage qu'il n'explique, provoque intelligemment plutôt que de chercher à choquer inutilement, tant par l'originalité de sa voix que par la brutalité de son propos.
Ce propos, auquel l'intrigue sert de prétexte, c'est quelque chose comme le sentiment que l'être humain a de sa propre mortalité. Jusqu'au tournoi final sur lequel le roman s'achève inévitablement (et de façon tragique), Rose est habitée par cette idée qui la fait hésiter entre sa volonté d'en finir une fois pour toutes et celle de donner encore une chance à la vie. Mais dans le wagon du métro où, à la toute première page du roman, la narratrice songe à mettre fin à ses jours, c'est le suicide de quelqu'un d'autre qui la frappe, l'imprégnant du souvenir d'un "temps mort", celui où le corps de l'inconnu, heurté sous ses yeux et encore debout pour un très bref instant, semble "immobilisé pour la photo de la mémoire". Ce motif du mur (mur auquel on se frappe, écran ou miroir qui nous renvoie notre propre image) parcourt ainsi tout le livre. Selon Rose, les suicidaires sont toujours les mieux placés pour témoigner de la valeur de la vie...
Lorsque survient la tuerie du Collège Dawson, auquel le titre du roman fait écho, Rose se questionne justement sur sa propre agressivité. Grande lectrice de journaux, elle critique le traitement médiatique de cette affaire qui nourrit dans la population l'effet de crainte recherché par le tueur auquel elle s'identifie brièvement: "Je les comprends, ces tueurs, qui se détestent tellement [...] et se retournent contre le monde pour survivre un peu plus longtemps, avant d'en finir." Parlant le langage de la désillusion et de l'insensibilité, Rose laisse malgré tout poindre la possibilité d'une rédemption au bout de sa "vie morte depuis longtemps". La liaison qu'elle entretient depuis peu avec son voisin Otto, et au sein de laquelle elle accepte peu à peu de s'ouvrir à l'autre, témoigne d'une pulsion de vie qui confère une touche d'espoir essentielle à Dawson Kid.

Chez Canoë...

Mission accomplie
Virginie Roy

Le Journal de Montréal
18-08-2007 05h00

L’écrivain Simon Girard s’est battu pour atteindre son objectif, celui d’écrire son premier roman. Mission accomplie. Dawson Kid sera en librairie dès cet automne.

L’écrivain Simon Girard, 28 ans, est un passionné. Pour écrire, il a tout sacrifié: temps, argent, amis… «J’ai été sur le bien-être social et je faisais des études cliniques pour subvenir à mes besoins. La seule chose que je voulais faire, c’était écrire des romans», explique-t-il.
Simon Girard dit avoir eu une révélation entre le secondaire et le cégep. La lecture d’un roman d’Alexandre Jardin lui a confirmé sa passion pour la littérature. «J’avais envie d’écrire mon propre Alexandre Jardin. Je me suis donc enfermé tout l’été dans mon sous-sol sans voir mes amis et j’ai écrit. Juste pour voir ce que j’avais dans les tripes», dit-il.

Et ce qu’il a dans les tripes donne un excellent résultat. Après avoir écrit plusieurs romans, la maison d’édition Boréale lui a enfin donné sa chance.

C’est le roman Dawson Kid qui lance enfin la carrière de Simon Girard. «Je veux vivre demes romans jusqu’à au moins cinquante ans. Je suis prêt à tout», explique-t-il.

Dawson Kid

Rose Bourassa est danseuse nue. Elle le fait pour se réapproprier soncorps,pour redevenir la vedette qu’elle était plus jeune.

Mais elle est surtout suicidaire, fataliste et elle refoule ses émotions. «Rose aurait très bien pu être le tireur fou du cégep Dawson», explique l’écrivain.

On entre avec efficacité et doigté dans le monde d’une femme où la boxe devient son moteur de survie.

«J’ai été très influencé par le film Million Dollar Baby. L’histoire de Dawson m’a aussi énormément touché. Tout ça mis ensemble a donné ce roman», raconte-t-il.

Dawson Kid, de Simon Girard, sera sur les tablettes des librairies dès le 28 août. Pour l’instant, l’écrivain ne fait pas relâche. Il espère publier un recueil de nouvelles dès l’an prochain.

Dans Le Devoir...

Christian Desmeules
Collaborateur du Devoir
Édition du samedi 10 et du dimanche 11 novembre 2007.

Rencontre avec Simon Girard, auteur de Dawson Kid.

Un premier roman généralement bien reçu par la critique. Sensation de la rentrée. Avec Dawson Kid, paru en août chez Boréal, Simon Girard a pondu un roman intense, tendu de révolte, un roman coup-de-poing qui raconte à la première personne le parcours chaotique et la colère d'une danseuse nue âgée de 20 ans, Rose Bourassa, de son passé de victime au désir salvateur de maîtriser son destin.

Sa découverte de la boxe comme exutoire, sur fond de tuerie au collège Dawson, et façon de faire reculer sa propre mort. Son envie de cogner sur tout ce qui bouge pour défoncer le mur d'insensibilité derrière lequel elle se sent prisonnière. «Une petite fille en colère, fatiguée de bouder, à qui on a prêté une paire de gants et un corps auquel il est permis de tout faire, dans les règles.»

Poigne solide, cheveux ras, chemise rouge largement déboutonnée, carrure de judoka, l'auteur de 28 ans déplie d'abord quelques feuillets où sont imprimés des extraits choisis de Dawson Kid, un premier roman gonflé de rage, de violence, de mort aussi, rapidement et largement remarqué par la critique pour ses qualités -- émotion brute, spontanéité.

«Pour répondre en me citant», annonce-t-il un peu maladroitement. Sa façon à lui d'affronter le petit cirque et de donner le change aux journalistes. Il laissera pourtant vite de côté son petit laïus pour discuter spontanément d'inspiration, de discipline d'écriture et d'idéalisme.

S'obliger à écrire

«La meilleure image que j'aurais pour parler de ce roman-là, c'est celle du film d'horreur. C'est pas l'fun, ça t'écoeure, c'est tough, mais tu continues à le regarder parce que ça te tient. C'est comme ça que je décrirais Dawson Kid. Ce n'est pas léger», confie Girard.

Simon Girard évoque sans pudeur les circonstances qui l'ont amené à l'écriture et à la publication de ce premier roman. Ses rêves de devenir écrivain et son choix -- forcément controversé -- de «se mettre sur le B.S.», comme il dit. De s'imposer un mode de vie frugal, de mettre le frein à sa vie sociale et de se retrancher dans son petit appartement jusqu'à ce qu'il n'ait simplement plus le choix. Plus aucune excuse possible pour ne pas écrire.

«On a tous des plans de faire du cinéma, raconte-t-il, pour faire ceci ou cela. Alors, un jour, je me suis dit: "Là, tu vas choisir quelque chose que tu peux commencer ce soir, maintenant, et tu pourras voir tout de suite si tu as vraiment quelque chose dans le ventre". C'était un test. J'avais eu mon quota des discussions de bar. Écrire un livre, je n'avais plus d'excuses pour ne pas le faire», reconnaît-il, conscient d'avoir atteint son premier objectif.

Une publication qui survient après plusieurs tentatives peu satisfaisantes, à ses propres yeux ou à ceux des éditeurs à qui il avait soumis ses manuscrits -- et notamment Boréal, qui a tout de même fini par publier Dawson Kid. «Cette histoire-là, c'est la numéro neuf», dira-t-il à propos de ce premier roman abouti , en évoquant brièvement les huit autres tentatives qui flirtaient toutes plus ou moins avec l'autofiction.

C'est l'arrivée presque miraculeuse d'une voix, celle de Rose Bourassa, le personnage central de Dawson Kid, qui lui a permis de se libérer, estime-t-il, du carcan autobiographique. «On tombe dans le mystique un peu, mais j'ai l'impression que c'est plus elle qui l'a écrit. Aussi, le fait que c'était une fille en faisait quelque chose de plus extérieur, et d'une certaine façon c'était plus fort, comme si ce n'était plus moi qui parlais.» Mais, au final, ajoute-t-il, on finit par se rendre compte qu'on écrit toujours avec son propre filtre et à partir de ce qu'on connaît le mieux.

La folie des grandeurs

Et comment faire pour garder la rage au ventre, pour conserver le sentiment d'urgence et de révolte qui a servi de moteur pour écrire? «Bonne question... Garder la rage... Je ne sais pas trop», avoue celui qui se situe lui-même, comme écrivain, quelque part entre Proust et Bukowski: «Entre l'écriture à l'os et l'animalité de Bukowski, d'un côté, et l'extrême vérité pointilleuse de Proust, de l'autre.»

Idéaliste dans l'âme, presque naïf, Simon Girard confie son désir d'atteindre et de toucher les gens, ses rêves de communion avec le genre humain. «J'ai la folie des grandeurs. Si j'écris... Le minimum, pour moi, serait que cette histoire-là fasse le tour», reprend-il, souhaitant pour son premier roman rien de moins qu'une consécration planétaire. «Si ça fait du bien à du monde, si ça fait apparaître une certaine vérité, si c'est un peu important et si je peux faire partie de la solution...» Le succès, la richesse, la gloire, le Nobel? «Je ne m'attends pas à ça, mais je me prépare pour.»

«Mais, au départ, tu veux sauver ta peau, avoue le jeune auteur qui souhaite vivre de son écriture. Parce que si tu ne sauves pas ta peau, tu ne pourras pas aider grand monde.» Confiant de la suite des choses («J'ai déjà mille pages d'écrites pour l'année prochaine», lance-t-il), Simon Girard assure qu'il ne s'agit que d'un premier round.

vendredi 16 novembre 2007

La recrue du mois de décembre : Simon Girard - Dawson Kid


Quatrième de couverture :

Si je mourais d’un accident, tantôt, en sortant du gymnase, ce serait dommage. Franchement. Je me fâche juste à y penser. N’importe qui dans sa voiture, passant dans la rue à quelques mètres de moi, aura cette possibilité. Tous des petits Dawson en puissance. Il y a peut-être juste deux classes de personne : celles qui se reproduisent, et celles qui se tuent.


Elle s’appelle Rose Bourassa. Elle a vingt ans. Il y a deux choses qui ne la quittent jamais. L’idée de la mort, sa propre mort, et une sourde envie de cogner. Que ce soit au Gold, où elle danse autour des poteaux et aux tables, ou dans les couloirs du métro. Jusqu’au jour où elle commence son entraînement à la boxe et où elle fait la connaissance de Coach. Coach qui lui enfonce ses gants comme une mère met sa tuque à son enfant, en la brassant un peu, parce qu’elle est dans la lune, au paradis, entre des mains aimantes. Elle se dit alors qu’elle a peut-être réussi à faire reculer sa mort.

Simon Girard donne ici un premier roman audacieux. En s’attachant à rendre la moindre sensation avec une précision obsessionnelle, il nous fait entrer dans la peau d’une jeune femme dont la vie peut basculer à chaque instant. On s’immisce dans le quotidien de Rose Bourassa comme on monte à bord d’un manège. On n’a pas d’autre choix que de s’abandonner au vertige.

Source : Éditions Boréal






jeudi 15 novembre 2007


J'ai une rubrique sur mon blog où je pose 3 questions, toujours les mêmes, à des écrivains sur leurs lectures. Christine Eddie, l'auteur des Carnets de Douglas, a gentiment accepté de répondre à mes 3 questions !

Merci Christine !


- Quel est votre dernier livre coup de cœur ?

Je ne serai pas originale parce que nous sommes très nombreux à avoir aimé ce livre : L’histoire de l’amour de Nicole Krauss. J’aurais fait le voyage à New York pour rencontrer son héros, Léo Gursky, et essayer de le consoler.


- Avez-vous un livre ou un auteur culte ?

Non, mais j’ai une grande affection pour Romain Gary que je ne connaissais pas encore quand j’ai lu (et aimé) les romans d’Émile Ajar. Puis, comme tout le monde, j’ai été estourbie par Vie et mort d’Émile Ajar, le livre posthume dans lequel Gary révèle, en 1981, qu’Ajar c’était lui. Romain Gary était mort... La bonne nouvelle, c’est que j’avais encore une trentaine de ses livres à lire. Mes préférés : La promesse de l’aube et Les cerfs-volants.


- Comment lisez-vous ?

Dans le silence. En vacances, énormément. Sinon, le soir, avant de dormir.

Simple et beau

Le même jour, deux adolescents parviennent à fuir un destin qui les aurait emmurés. Ils se trouvent, deux ans plus tard, à Rivière-aux-Oies, un village beaucoup trop discret pour figurer sur une carte. Au cœur de la nature généreuse et sauvage, ils s’aiment, à l’abri des rugissements du vingtième siècle. Jusqu’à ce que la vie, comme d’habitude, fasse des siennes.
(…)
Une passion comme au cinéma, qui se déploie à l’ombre d’un arbre, d’une clarinette et de la beauté fragile du monde.

(Extraits du 4ème de couverture)


Voilà typiquement un roman où je ne sais pas quoi vous dire à part « Lisez- le ! C’est très bien. » ! C’est très embarrassant, surtout dans le cadre d’une lecture commune. Alors je vais essayer de faire un petit effort…

En une succession de courts chapitres, avec une écriture simple et belle, Christine Eddie nous raconte l’histoire d’Elena et Douglas, deux jeunes adultes qui vont s’aimer, jusqu’à ce qu’un drame arrive. Christine Eddie nous parle d’amour, de nature et de musique. Une fois ouvert, on se laisse entraîner dans cette histoire jusqu’à ne refermer le livre que sur le mot FIN. C’est donc pour moi une très belle découverte ! Merci Jules !

Un grand merci à vous, amis chroniqueurs québécois, d'avoir accueilli une petite française parmi vous !

Dans le coeur un arbre

Que de douceur et de poésie dans la plume de Christine Eddie! Avec un style sobre et évocateur, elle brode un premier roman dont les thèmes prennent racine dans une nature sauvage et belle. Secrète, vivante et fragile, comme les êtres. Une écriture efficace, sans artifice. Un direct au cœur.

Romain Brady étouffe dans un monde qui ne le reconnaît pas comme sien. Il le fuit pour disparaître au fond de la forêt où on l’oublie. Il vit au sein des arbres, sur des airs de Mozart. Seul.

Éléna Tavernier, après la mort de sa mère, subit sa vie auprès d’un père violent. Un soir, elle tourne brusquement dos à cette existence qui se consume alors derrière elle. Menée vers le village de Rivière-aux-oies, elle apprend la science des plantes et, un jour où elle erre dans la forêt, fait la rencontre de Mozart.

Deux êtres seuls qui se complètent en un tout. Une histoire d’amour aussi intense que brève, interrompue par la naissance d’un enfant. La vie qui sème la mort. Une petite fille dont le père n’arrive pas à surmonter le deuil. Un médecin solitaire et une maîtresse d’école rescapée de l’Holocauste, unis dans l’éducation de l’enfant. Des carnets lus avidement à l’ombre d’un mélèze…

J’ai lu d’une traite ce petit roman simple et beau. Les chapitres, très courts, donnent un rythme rapide à une histoire tout en finesse qui évoque plus qu’elle ne raconte. Même s’il s’agit d’un premier roman, Christine Eddie n’est pas une nouvelle venue dans le monde de l’écriture. La maturité et la retenue émanent de son style bref, percutant. Et le résultat est un roman qui nous habite longtemps après qu’on l’ait refermé.

Christine Eddie, Les Carnets de Douglas. Alto, 198 p.

La vie en soi

Cet attrayant roman se lit comme une histoire d’amours multiples et démultipliées : amour improbable entre Douglas (Romain) et Elena, inconditionnel, presque fiévreux envers Rose, le bébé à naître, penchant ignoré de Léandre envers Elena, tendresse infinie de Léandre et Gabrielle envers la petite Rose, relation fusionnelle de Rose avec son arbre, de Douglas avec la nature, lien intime avec la musique.

Avec douceur et conviction à la fois, l’écriture d’une grande limpidité de Christine Eddie fait basculer le lecteur dans un univers presque onirique. La plume poétique de l’auteur cisèle les paysages, les fait surgir devant nous. Sa voix unique nous raconte, presque en pointillés, le destin extraordinaire de personnages atypiques mais auxquels on s’attache en un instant. Discrètement, ils se découvrent peu à peu, dévoilent leur richesse intérieure, nous touchent par la profondeur de la faille qui les traverse, nous confrontent à la petitesse du monde qui les entoure, à l’intolérance, à la suprématie du progrès technologique.

Christine Eddie jette un regard tendre sur cet univers en suspension et choisit de le traiter de façon presque voilée, comme pourraient le faire certains cinéastes, avec un filtre. Les courts chapitres sont d’ailleurs astucieusement regroupés à l’intérieur de sections à connotations cinématographiques : repérage, gros plan (et fondu au blanc), plan d’ensemble, fondus enchaînés, accéléré, musique, fin, générique. En gravant sur la pellicule les différents éléments qui composent sa fresque, elle laisse au lecteur la possibilité d’y inscrire son propre scénario, d’y jeter un éclairage subjectif, de colorer à sa façon les zones volontairement laissées en plan. Une voix unique, musicale, qui sait à merveille dépeindre la vie qui palpite sous la surface.

Nature humaine

Il s’appelle Romain (il deviendra Douglas par une fantaisie de l’auteure). Il vit reclus dans les bois. Elle s’appelle Éléna. Elle vit dans un petit village aux abords de ce bois. Elle est attirée par cet homme mystérieux. La rencontre finit par avoir lieu. L’amour naît. Commence alors leur étrange destinée.

Pour Les carnets de Douglas, Christine Eddie s’est visiblement inspirée des romans du terroir qui ont vu naître notre littérature. La nature est omniprésente, on est loin des villes et l’ambiance a un petit côté rustique propre au genre.

Je ne suis pas certain que ça me plaise énormément.

Dès le départ, j’ai eu très peu d’empathie pour Romain. Ce qu’il était ne m’intéressait que très peu et encore moins ce qui le poussait à agir. Par contre, je me suis attaché rapidement à Éléna. L’attachement aura été de courte durée. Je ne sais pas pourquoi. Il y a quelque chose dans la construction du roman et des personnages qui m’a échappé tout au long de ma lecture. Les contours sont peut-être trop flous et l’ambiance trop éthérée pour moi. Pourtant, l’écriture de Christine Eddie est belle et maîtrisée, mais je n’ai pas été sensible à son univers.

En fait, je suis resté sur ma faim. Je pense que j’aurais aimé lire ces fameux carnets de Douglas dont on parle souvent dans l’histoire. J’avais l’impression qu’ils auraient été plus intéressants que ce qu’on me racontait jusque là.

Cela dit, ce premier roman n’est pas mauvais pour autant. C’est juste qu’il ne s’adresse pas au type de lecteur que je suis.

D'amour, de nature et de poésie

Dans un premier temps, ce roman est le récit d’une très belle histoire d’amour entre Douglas et Elena. Jusqu’à ce que, dans un mouvement simultané de beauté et d’horreur, naisse la petite Rose. Ce récit est aussi celui d’une Rose qui grandira dans une famille atypique en attente d’un père absent. Très absent. Et qui ne sera pas oublié que parce que périodiquement il enverra à sa fille des cahiers. Les carnets de Douglas.

Ce premier roman de Christine Eddie avait tout pour me plaire. Exactement le genre de plume qui me fait craquer : scènes courtes, très poétiques, impressionnistes. J’adore me faire raconter une histoire sans qu’on me prenne par la main, mais seulement en saupoudrant ici et là des touches de couleurs et de sentiments. Les personnages de femmes m’ont particulièrement touchés. Je voudrais, dans la vie, être une Elena. Quelque chose pourtant, m’a laissé sur ma faim…

Autant le style particulier me semblait convenir à la première partie du roman, à l’histoire d’amour, autant la suite m’a paru plus difficile. J’aurais voulu sentir Rose grandir plus lentement, j’aurais aimé explorer davantage sa relation avec sa mère adoptive. Je me serais attardée sur une tache de couleur pour en explorer les détails et les nuances. Dans cette deuxième partie, j’aurais surtout voulu lire les carnets de Douglas. Parce que malgré le titre, ils n’y sont pas ces carnets. Comme j’aime beaucoup les diaristes et les correspondances, j’ai un peu été déçue de ne pas retrouver ce que, me fiant au titre, j’attendais.

Je transfère maintenant cette attente dans l’espoir de pouvoir relire Christine Eddie dont la sensibilité et la poésie m’ont semblé de proches parentes.

Le souffle de l'amour

Elena et Douglas sont deux êtres solitaires malmenés par la vie que le hasard a fait se rencontrer dans le petit village de Rivière-aux-oies. Ils tombent amoureux et se font un nid d'amour dans les bois. Malheureusement, leur bonheur sera de courte durée puisqu'Elena mourra en mettant au monde leur fille Rose. Incapable de faire face à sa douleur, Douglas laissera Rose aux bons soins du médecin et à l'institutrice du village et partira courir le monde. Il restera en contact avec elle en lui envoyant ses carnets de voyage.

Ce premier roman de Christine Eddie est poétique et enchanteur. Elle nous raconte cette histoire à grands traits comme une fresque permettant du même coup de laisser courir notre imagination dans des paysages qui ont l'air sorti tout droit d'une autre époque. Une très belle lecture pour moi.

Réf. : Les carnets de Douglas, Chistine Eddie, Alto, 2007, 204 pages, ISBN : 978-2-923550-08-4.

Les facettes de l'amour...

Je n’ai pas été happée par le texte, mais plutôt séduite par sa forme. Des chapitres courts qui ne laissent pas place à l’ennui. Concis, l’univers de chacun se fait facile à découvrir. La nature y est poétique et la flûte de Romain séduisante. Le malheur s’abat sur Éléna et Romain, mais en groupe, pour le bonheur de leur petite Rose, chacun campera un rôle nécessaire en souvenir de « Bouclette ». Quelques éléments « classiques » de la situation : la vieille fille (Gabrielle), le vieux garçon (Léandre) et un père désemparé (Douglas), tous prêts au sacrifice pour cette enfant… Une douce histoire d’amour aux multiples facettes, bercée au rythme d’une rivière, d’un village et des saisons. Simple !

mercredi 14 novembre 2007

Une romance familiale à l'eau de Rose

Le titre ne m'attirait pas plus qu'il ne le faut. Une première leçon, ne pas se fier au titre, pas toujours, car j'aurais passé à côté d'un livre que j'ai beaucoup, beaucoup aimé. Un roman goulûment dévoré de la première à la dernière page.


Pourquoi, oui pourquoi, je l'ai tant aimé ? Je commence à croire qu'il est aussi difficile d'expliquer son amour que le contraire. Pour justifier cet amour qui se satisferait pourtant de l'inconditionnel, disons que le style clair, ordonné par des phrase simples, des chapitres d'un seul souffle, avec peu de personnages dévoilés un à la fois, ce style succinct, épuré est venu me chercher là où j'étais.


L'histoire s'annonce par de la dureté ; deux enfants meurtris qui auraient pu se laisser mourir étouffés par le manque d'amour et qui choisissent courageusement d'attraper leur baluchon pour aller voguer, peut-être vers plus de misère physique mais moins de misère morale. Avoir peu mais avoir le principal, la liberté. Ces êtres affranchis de leur famille, Romain et Éléna ont rendez-vous avec l'apprivoisement de leur être intime à partager avec un autre corps, un autre coeur. Leur maison, quelques branches coupés, leur univers, la forêt. Mais l'auteure n'a pas prévu de laisser couler une romance à l'eau de rose. Un bébé vient au monde, Rose, une histoire meurt, une autre naît.


Les thèmes sont nombreux et abordés d'une manière assez originale ; Une famille (atypique) reconstituée, l'amour paternel et maternel, la médecine dans un petit village, la marginalité, le rejet, le déracinement, le père lointain, l'amour du bois, la mort qui survie, la musique.


La forme maintenant. Des titres découpant l'histoire comme un film, oui, pourquoi pas. Le générique, je dois l'avouer, même s'il a assouvi ma curiosité du « après » m'a quelque peu bousculé. La toute fin est si forte, un peu comme dans une nouvelle, l'arrivée du générique et le défilé des personnages a achevé mon émerveillement un peu trop brusquement.


Je viens de feuilleter les pages, un parfum s'en dégage, me fait découvrir un goût ; le revivre.

mercredi 7 novembre 2007

Questionnaire à Christine Eddie

Née en France, Christine Eddie a grandi en Acadie avant de se poser au Québec. Elle a signé de nombreux articles, publié quelques nouvelles, reçu deux prix littéraires (Prix Arcade au féminin et Concours de nouvelles XYZ) et écrit un livre pour la jeunesse, La croisade de Cristale Carton (Hurtubise HMH, 2002). Les carnets de Douglas est son premier roman. Elle a eu la gentillesse de répondre à mon questionnaire.


Croyez-vous que les écrivains ont une responsabilité sociale ?


CE : Les écrivains sont d’abord des citoyens et, à ce titre, ils ont, comme tout le monde, une responsabilité sociale.


La solidarité entre écrivains existe-t-elle ?


CE : Votre question évoque spontanément, pour moi, le PEN club international qui réunit des écrivains du monde entier autour
de la défense de la liberté d’expression et qui travaille à faire libérer les écrivains emprisonnés et persécutés pour leurs écrits. Je réponds oui.


Selon vous, le monde du livre se porte-t-il bien au Québec ?


CE : Malgré un « marché » minuscule, il se publie, au Québec, une formidable variété de beaux et de bons livres. Tout ne va peut-être pas pour le mieux
mais il suffit d’entrer dans une librairie ou une bibliothèque pour constater le miracle.


Est-ce qu'en 2007, nous pouvons dire, qu'enfin oui, nous avons une littérature québécoise ?


CE : Il me semble que le mot « enfin » est de trop dans votre question ; nous avons une littérature québécoise
depuis si longtemps…


Que répondez-vous à un jeune qui vous dit qu'il aimerait bien devenir écrivain ?


CE : Je lui suggérerais de lire, de lire et de lire encore. Et de ne pas hésiter à fréquenter les dictionnaires.


Vous écrivez au stylo, au crayon ou à l'ordinateur ?


CE : La plupart du temps à l’ordinateur, souvent au crayon (avec une gomme à effacer tout près) et rarement au stylo.


Internet a-t-il changé votre façon de travailler et de correspondre ?


CE : Internet me donne accès à une mine d’informations que je mettrais autrement des jours à trouver. Pour ce qui est de la correspondance,
j’ai sérieusement réduit mes frais d’interurbains…


Internet est-il une menace ou un nouveau média de promotion pour les écrivains ?


CE : Un nouveau média de promotion, pourquoi pas ?


Que pensez-vous de l'édition électronique ?


CE : Pas grand chose, encore.


Avez-vous un site Web ?


CE : Moi, non. Mais mon éditeur, Alto, oui : http://www.editionsalto.com.


Vos sites Web préférés sont ?


CE : Je lis régulièrement les journaux dans Internet.


Quel est votre leitmotiv ?


CE : J’en change tous les jours. Ce qui n’est pas bon pour un leitmotiv.


Y a t-il une cause qui vous tient particulièrement à coeur ?


CE : Oui. La protection de l’environnement. L’égalité entre les hommes et les femmes. L’accès à la culture et à l’éducation.


Pour quel écrivain avez-vous de l'admiration ?


CE : De l’admiration, je ne sais pas. Mais je suis très attachée à Romain Gary, Anne Hébert, Nancy Huston, Suzanne Jacob, Joyce Carol Oates,
David Lodge, Serge Bouchard, Marguerite Duras, Lorrie Moore, Kaye Gibbons, Milan Kundera, Geneviève Amyot, Jacques Prévert, Elizabeth Taylor (l’écrivaine britannique, ne pas confondre) et Gaston Miron. Entre autres.


Pour terminer avez-vous une lecture à nous suggérer ?


CE : Il y en aurait beaucoup mais, s’il faut choisir, je propose le « Journal » de Marie Uguay, une œuvre posthume bouleversante qui ressuscite
la voix d’une poétesse exceptionnelle.


Merci madame Eddie !

dimanche 21 octobre 2007

Sur Cyberpresse.ca

Le dimanche 21 octobre 2007

Biblio: Les carnets de Douglas



Jade Bérubé

La Presse

Collaboration spéciale

Parfois, les mélèzes cachent des secrets intimes. C'est d'ailleurs sous un mélèze qu'Elena est enterrée, tenant entre ses mains la clarinette de Douglas. Deux êtres croisés en exil, s'étant trouvés pour ne plus être séparés. «J'étais seul, songeait Douglas, et maintenant je suis unique. Comment un tel miracle a-t-il pu se produire?»

La nouvelliste Christine Eddie livre avec Les carnets de Douglas un premier roman empreint de tendresse et de poésie dont on a peine à s'extraire tant la richesse de cet univers sait nous habiter. Écrite avec simplicité et assise sur une suite de chapitres courts, l'histoire ne manque pourtant pas de finesse. La naïveté de Douglas, vivant volontairement en marge de la civilisation, s'effrite à la mort soudaine d'Elena, le confrontant à une réalité à laquelle il tente d'échapper. L'impossibilité d'élever seul le nourrisson le conduit à confier l'enfant au docteur du patelin, homme esseulé et racorni par ses amours déçues qui s'empresse de se faire aider par la voisine, madame Gabrielle. L'étrange famille se déploiera pendant que le béton gagnera sur la terre battue.

L'humanité qui se dégage de ce récit laisse entrevoir l'exceptionnelle capacité de l'auteure à nous toucher avec une histoire qu'elle se contente d'effleurer. Même Rose, l'enfant que l'on se partage, grandit à l'ombre du lecteur. On a alors l'impression étonnante que pour en savoir plus sur tous ces gens, il faudrait s'intéresser aux inconnus que l'on croise et dont on ne sait rien... Ou alors interroger la mémoire des arbres.

Les carnets de Douglas

Christine Eddie

Alto
199 p.
21,95$

Sur Culture Hebdo

Un grand amour rural

D'origine française Christine Eddie sait sonder les coeurs. Du moins le fait-elle brillamment avec les deux amoureux de son premier roman Les carnets de Douglas qui a pour toile de fond un bled reculé du Québec où sent bon le foin. C'est une histoire d'amour banale comme il y en a des centaines, voire des milliers. Mais ici la beauté de cette variation sur ce thème ancestral est le ton employé pour décrire ces sentiments. C'est une grande poétesse qui sait manier la prose magnifiquement. Dès la première ligne vous êtes happés et n'en sortez que conquis à la dernière page. Et dire que c'est son premier roman!

Les carnets de Douglas. Christine Eddie. Alto. 204p.

mercredi 17 octobre 2007

Dans Le Devoir.com

Suzanne Giguère
Édition du samedi 13 et du dimanche 14 octobre 2007

«On s'essouffle à parcourir la terre, à l'affût de quelque trésor qui console. On écoute le chant de la mer. On lit un poème. On respire du jasmin. On tombe avec la neige. On cherche un éblouissement qui retentira encore quand les heures creuses reviendront rythmer l'ordinaire, un éclat fulgurant qu'aucune misère humaine ne peut écraser.» Inconsolable depuis la mort de sa femme, Douglas Létourneau voyage à travers le monde. Il écrit à sa fille, une manière pour lui d'entretenir l'illusion d'une relation jamais interrompue avec elle. Ses carnets sont les seuls paravents qu'il a trouvés pour se protéger de la souffrance. Ce sont aussi, d'une certaine manière, des lettres d'amour.

Québec, 1950. À dix-huit ans, mal-aimé, solitaire et silencieux, Romain Brady coupe les ponts avec sa famille et part vivre à la campagne. Le même jour, Éléna Tavernier fuit une maison pleine de fracas et se réfugie dans un monastère avant d'être hébergée à Rivière-aux-Oies par une pharmacienne qui l'initie aux plantes sauvages.

Deux ans plus tard, Romain et Éléna se rencontrent au coeur de la nature généreuse et sauvage de Rivière-aux-Oies. Attiré par la grâce de son rire, Romain (qui dit s'appeler Létourneau) tombe amoureux d'Éléna et sort de son mutisme: «N'avoir pas parlé durant vingt ans et connaître soudain un dictionnaire entier de mots d'amour.» Le couple passe l'été à se promener dans les sous-bois. Éléna révèle à Romain le nom des plantes et leur effet miraculeux sur les migraines et la mélancolie, lui apprend à faire de la teinture d'aubépine et de l'onguent à la citronnelle. Le domaine privilégié de Romain reste celui des arbres. Les noms résonnent comme un voyage autour du monde: «l'araucaria d'Australie, le micocoulier de Provence, le cèdre du Liban, le genévrier de l'Himalaya, le peuplier de Szechuan. Éléna donne à Romain le nom du plus grand, du plus solide et du plus spectaculaire des arbres: le Douglas.»

Mais, comme le dit la chanson, la vie parfois sépare ceux qui s'aiment.

Les années passent. Rivière-aux-Oies prend de l'expansion, connaît un essor frénétique sous le saccage des bétonnières, pendant qu'en arrière-plan se déroule une révolution à peine tranquille. Une famille singulière s'improvise malgré les ragots du village et en dépit des blessures: un médecin venu s'installer au village pour échapper aux «rugissements du monde», une institutrice au «parler insolite et aux origines nébuleuses», dont les six chiffres tatoués en bleu sur son avant-bras gauche en disent long sur la tragédie qui se cache sous son mystérieux passé, et une enfant surgie des bois.

L'enfant se prénomme Rose. Recueillie après la mort de sa mère Éléna, la fillette marque d'un feutre rouge les destinations de son père absent qui explore le monde. Dans les lettres qu'il lui envoie («c'est tout ce que j'ai trouvé pour ne jamais te quitter»), Douglas lui transmet sa ferveur pour la nature, la musique, la poésie et la fragile beauté du monde. Après treize ans d'exil, il annonce son retour. «Il m'aura fallu beaucoup trop de temps pour comprendre qu'ici ou ailleurs, loin de toi, la lumière est toujours tamisée. Il y a des silences impardonnables [...] Je n'écrirai plus, c'est mon dernier carnet, je te le promets. Je reviens. Attends-moi.»

Merveilleusement léger

Écrivaine à la prose sage et poétique, à l'imaginaire subtil et délicat, Christine Eddie émerveille par son regard bienveillant sur les êtres et les choses. Première oeuvre pour adultes, désarmante de simplicité et de tendresse, Les Carnets de Douglas coulent comme de l'eau, avec pour seule mémoire l'amour.

Soucieuse de son art et de son style, l'auteure multiplie les phrases simples, justes et parfaites: «Eh bien oui, quelquefois l'amour sait être grandiose.» Elle nous fait ressentir la plénitude lumineuse de la passion avec une finesse et une sincérité touchante qui nous habite longtemps après la lecture. Elle nous propose enfin une réflexion sur la responsabilité et l'engagement de l'homme envers la nature et l'environnement, et sur l'ouverture à l'autre, dans sa différence.

Avec Les Carnets de Douglas, Christine Eddie signe un premier roman merveilleusement léger malgré sa gravité. Il s'incruste en nous comme une incessante musique.

Collaboratrice du Devoir

mardi 16 octobre 2007

La Recrue recrute!

La Recrue du mois est présentement à la recherche de quelques lecteurs de sexe masculin afin d'offrir un autre point de vue sur les lectures mensuelles proposées ici. Les candidats devront avoir fait preuve de leur sens critique sur un blogue ou une publication quelconque. Ils devront être disciplinés et devront s'engager à publier leur critique le 15 de chaque mois, sans retard ! Les lectures choisies résultent des suggestions de chacun où la majorité l'emporte au vote.

Si l'idée de joindre un club de lecture vous intéresse, manifestez-vous dès maintenant...

Chez Bazzo.tv

Denise Bombardier a lu Les carnets de Douglas, premier roman de Christine Eddie, une auteure née en France mais qui a passé son enfance en Acadie. Pas de chance : troisième lecture, troisième déception pour notre lectrice invitée... C’est une histoire complètement hors du temps, écrite dans un style suranné. Là encore, nous dit-elle, l’émotion ne l’atteint pas.

Bazzo

Sur Cyberpresse.ca

Le dimanche 09 sept 2007

Valérie Gaudreau

Le Soleil

Belle découverte aussi que Les Carnets de Douglas, premier roman d’une femme de Québec, Christine Eddie, publié chez Alto. Ici, on est loin des rings de boxe de Montréal, alors qu’on se retrouve plutôt dans le village de Rivière-aux-Oies à la rencontre d’Éléna et de Romain, deux jeunes qui ont quitté leur milieu pour se réfugier dans la nature.

Dès le moment où ils se rencontrent par hasard, ces deux fugueurs des bois vivront un bonheur tranquille jusqu’à ce que le destin en décide autrement et qu’Éléna ne survive pas à la naissance de leur enfant, Rose (elle aussi !).

Difficile de raconter sans tout dévoiler, mais disons seulement que la petite sera prise en charge par un trio de parents pas piqué des vers composé de son père biologique, du médecin du village et d’une institutrice au nom compliqué survivante des camps de concentration. À travers cette famille étonnante et avec en toile de fond un village tissé serré qui subit les bouleversements de la civilisation, Christine Eddie démontre un grand talent à raconter une belle histoire en apparence toute simple, mais qui se révèle une formidable réflexion sur la mémoire, le deuil, la filiation, le temps qui passe et l’amour de la nature. Un roman original et attachant dont les quelque 200 pages se savourent comme un bel après-midi d’automne.

Christine Eddie, Les Carnets de Douglas, Alto, 198 p.

lundi 15 octobre 2007

Quand le terrorisme se conjugue en fleurs de lys

Roman Maric, d’origine roumaine, est de passage au Québec au même moment où un nouveau regroupement indépendantiste radical pose des bombes dans des écoles anglophones. Il ne s’agit pas d’un hasard : Roman est au Québec pour ce mouvement, pour ses bombes, pour la lutte à la liberté.

Le sang des colombes est donc l’histoire de ce jeune homme habitué à circuler comme une ombre qui vient remplir un contrat macabre et criminel pour la liberté au Québec et qui se réfugie, le temps de laisser la poussière retombée, dans le petit village de Saint-Alexis. Là il découvrira une vie qu’il n’avait jamais pu imaginer faites de confiance, d’amitié et même d’amour. Vivant chez le peintre Gauthier, découvrant l’amitié du maire Hubert, coincé entre deux sœurs rivales, personne ne pourra se douter qu’il est le maître d’œuvre du sang qui s’écoule partout sur le territoire. C’est un roman qui aborde la question de la violence politique et de ses paradoxes, un peu comme le faisait La clameur des ténèbres de Neil Bissoondath.

D’entrée de jeu il faut souligner la volonté manifeste de l’auteur, de ne pas écrire un roman autofictionnel. On comprend, et on sent même dans l’écriture, cette volonté de regarder plus loin que soi, d’embrasser plus large, de toucher des thèmes plus grands. J’ajouterais que certains personnages sont très intéressants. Il m’a semblé que la figure la plus peaufinée de ce roman est celle du peintre Gauthier dont le rapport ambivalent à la violence m’apparaît plus crédible que celui de Roman. D’ailleurs, les réflexions autour de l’art contemporain sont pertinentes et une certaine scène d’un vernissage à New York la plus réussie du roman à mon goût.

Mais certains éléments m’ont laissé sur ma faim. D’une part, l’ambivalence de Roman ne me semble pas assez exploitée, à peine esquissée. On s’attendrait à ressentir le déchirement vécu par celui qui découvre la paix mais est appelé par un destin de violence. Déchirement qui était à la fois subtil et palpable chez Bissoondath.

D’autre part, il faut un certain courage, que je salue, pour écrire une politique fiction, mais ça soulève aussi certains problèmes. Un de ces problèmes, majeur à mes yeux, c’est qu’un terroriste ne peut pas être à la fois un mercenaire et un idéaliste. Les terroristes tuent pour une cause ou ils tuent pour l’argent. Ils ne circulent pas à travers le monde à la fois grassement payés et dévorés par une quête de liberté. Roman se bat pour la mémoire de son père mort en affrontant le communisme en Roumanie. Or la quête de «liberté» de l’Est européen et la quête de «liberté» québécoise ne sont pas des quêtes assimilables. L’une concerne une question identitaire, l’autre concerne la démocratie. La liberté n’a pas un sens univoque.

L’autre problème, c’est l’extrême délicatesse de la question de la violence politique. Dany Leclair affirme ne pas cautionner les actions violentes de ses personnages, et je le crois sans hésitation. Le roman se termine tout de même sur l’idée que la lutte se poursuit au nom «des opprimés de la terre». Ça laisse un certain arrière-goût dérangeant de «Hasta la victoria siempre» qui n’a strictement rien de métaphorique.

Je le réitère, il fallait du beau culot pour écrire un tel livre dans une époque où le politique semble la dernière préoccupation de bien des gens et de bien des livres. Mais la politologue en moi croit tout de même qu'une politique fiction ne devrait pas se permettre de trop criantes invraisemblances.

Quand le terrorisme nous touche de près

Un petit village québécois comme tant d’autres, une galerie de personnages plus grands que nature, une tragédie qui ne saura dévier de sa course : Dany Leclair brosse avec ce premier roman, Le sang des colombes, un tableau en couleurs sombres mais lumineuses à la fois. Roman Maric, terroriste spécialiste en explosifs, est responsable des attentats récents qu’a connus la métropole, revendiqués par le MASQ (Mouvement anonyme pour la souveraineté du Québec). Entre deux contrats, il cherche refuge dans le morne Saint-Alexis. Afin de s’intégrer plus ou moins au tissu tricoté serré du village, il se lie d’amitié avec le peintre Gauthier, qui lui propose un emploi d’homme à tout faire chez la veuve Lemoyne. Il y fera la rencontre de deux sœurs rivales, Elsa et Nadja, qui voudraient bien toutes les deux convaincre le bel inconnu de s’installer définitivement dans la région.

Même si le sous-texte de ce roman ne peut qu’être teinté de violence, Leclair réussit à nous en détourner suffisamment longtemps pour que le lecteur établisse une belle complicité avec les personnages. Roman est profondément interpellé par l’art et la littérature; Gauthier tente de sublimer sa violence intérieure (et son alcoolisme) en une création artistique; Hubert, le maire du village, un esprit fin, se réfugie dans les livres et les échanges intellectuels avec Roman; Nadja, sous ses dehors raisonnables, ne peut complètement éteindre la flamme de la passion.

Même si j’ai été le plus souvent happée par cette courte histoire, j’ai aussi été agacée par quelques invraisemblances. Roman n’est pas terroriste par conviction mais vulgaire mercenaire. Si, à l’origine, sa soif de liberté s’abreuve aux injustices connues dans son pays d’origine (la Roumanie), il offre ni plus ni moins ses services aux cellules terroristes d’un peu partout. Autre visage du terrorisme, plus mercantile qu’intégriste? Peut-être. J’aurais aimé pouvoir plonger dans la dualité entre l’homme de terrain et l’être un peu éthéré qui se réfugie dans l’art. On ne comprend jamais tout à fait ce qui alimente cette violence presque gratuite qui l’anime. (On est loin ici des pages exceptionnelles sur le sujet de Yasmina Khadra.) Dans un autre registre, comment croire que la veuve Lemoyne ait pu nommer ses filles Elsa et Nadja, prénoms tout sauf « pure laine »? Comment accepter que des villageois si conservateurs aient pu élire un maire à l’homosexualité latente (puis admise)? Dans les passages sur l’art et la littérature, on sent le pédagogue, le combattant qui, tous les jours, doit tenter de séduire la jeunesse en habillant la littérature d’un vêtement attrayant, soulignant à grands traits les caractéristiques, les références (fort intéressantes au demeurant) et cela m’a semblé un peu surfait. De la même façon, le symbole (la toile qui donne son titre au livre) aurait eu avantage à être un peu mieux intégré à la trame narrative. Cette scène d’une violence inouïe m’a semblé plus motif plaqué qu’élément essentiel au dénouement de l’histoire.
Malgré ces réserves, j’ai été convaincue par le style de l’auteur, le sujet improbable qui pousse à la réflexion (et si, ici aussi, les terroristes sévissaient?), la maîtrise des descriptions, les strates des différents personnages. Je lirai sans doute avec curiosité le deuxième opus de l’auteur.

De trop près

Suite à l'attentat dans une école primaire de Montréal, Roman Maric, terroriste du MASQ (Mouvement anonyme pour la souveraineté du Québec) doit quitter Montréal et se faire oublier quelque temps. Sa fuite le conduira dans le petit village de Saint-Alexis. À l'hôtel où il s'arrête pour prendre une chambre, il se fait dire par la Rocheleau, propriétaire de l'hôtel, qu'il n'y a plus de chambre à louer. En fait, l'hôtel ne sert plus que de bar depuis que l'autoroute a fait dévier le trafic hors du village. Hippolyte Gauthier, présent dans le bar lors de cette conversation entre la Rocheleau et Roman, lui offre de l'héberger chez lui. Au fil des jours et des semaines, Roman sera adopté par les villageois et, lui-même, pour la première fois de sa vie aura l'impression de mener une vie normale.

Tout au long de ma lecture, j'avais l'impression d'être une voyeuse regardant vivre les habitants de Saint-Alexis avec une loupe grossissante. Voir d’aussi près les travers et les défauts des personnages me les a rendu antipathiques. Et que dire de toutes ces odeurs ; graisses, sueurs, urines, nourritures... Quoique si vous avez aimé Le Parfum de Süskind, vous aimerez peut-être ? Je préfère l’odeur du papier. Il y a des romans qu’on aime et d’autres pas, Le sang des Colombes n’a pas eu l’heur de me plaire. En fait, s’il y a des romans pour filles et d’autres pour gars, celui-ci est sans doute pour gars.

Du sang... faute de mieux

Une vague d’attentats terroristes balaie le Québec, semant la dévastation et la mort d’innocents. Un inconnu vient s’installer dans un petit village tranquille pour se faire oublier. Ce beau jeune homme aux allures chevaleresques cache un assassin, un terroriste se battant pour la liberté en faisant sauter des bombes... Le village est assoupi, l’étranger est intrigant. Il vient nourrir la curiosité des habitants, secouer les habitudes. On en oublie le danger…

Dany Leclair, sur des thèmes fort actuels, le terrorisme et la liberté, s’essaie à un pastiche du Survenant de Germaine Guèvremont. L’exercice est audacieux, mais le roman comporte certains défauts qui l’alourdissent. Des ingrédients manquent pour en faire une histoire prenante, qui aurait su nous faire réfléchir sur ces thèmes graves.

La narration, d’abord, n’arrive pas à plonger le lecteur véritablement dans l’histoire. La façon de raconter les évènements, généralement par rétroaction, finit par lasser. Les sentiments des personnages, leurs motivations profondes, sont décrits superficiellement, globalement. On en arrive à se faire des portraits fragmentaires des protagonistes qui, forcément, manquent de consistance. Ces descriptions en raccourci constellent le roman.

J’ai par ailleurs été agacée par les personnages secondaires, stéréotypés : l’artiste paumé, grossier et alcoolique, l’intellectuel policé, raffiné. Leur présence est prétexte à des réflexions banales sur l’art et son rôle dans la société ou encore sur la littérature, mais rien qui amène le lecteur très loin. Rien qui ne sorte des sentiers battus. Sans compter les deux sœurs rivales – un classique - dont l’aînée, pour une raison obscure, porte le prénom arabe Nadja, alors qu’elle est née sur une ferme au cœur d’un petit village rural du Québec!

Enfin, le principal reproche que je fais au roman de Leclair, c’est l’approche trop retenue de l’auteur pour aborder le thème qu’il ose traiter : le terrorisme. Le personnage central, Roman, est un terroriste sanguinaire, aux idées arrêtées. Il devrait être antipathique, mais son comportement, tout au long du roman, va à l’encontre de l’image que l’auteur s’acharne à créer. Cependant, on n’arrive pas non plus à s’attacher à lui, car il n’a aucune âme propre. Aucune chair. On n’arrive donc pas à comprendre les motivations intrinsèques de ce jeune terroriste globe-trotter. Même avec les références au passé du héros, à ses traumatismes d’enfance, le propos est toujours superficiel, on ne plonge jamais loin dans les réflexions ou le questionnement sur un thème qui aurait mérité un traitement plus senti, plus approfondi.

Quant au thème de la liberté, celui-ci est évoqué sous divers angles. C’est d’ailleurs ce qui est le plus réussi dans le roman, cette façon de montrer que la liberté peut être perçue différemment, qu’elle ne représente pas la même chose pour chacun. Tous les personnages du roman sont à sa recherche, à leur façon. C’est à mon sens la meilleure lumière sous laquelle aborder le texte.

Bien entendu, il s’agit d’un premier roman, l’effort est louable. L’idée d’ensemble n’était pas dénuée d’intérêt. Le résultat, pourtant, ne m’a pas convaincue.

Dany Leclair, Le sang des colombes. VLB éditeur, 187 pages.

À cheval entre les deux...

Crédible ou pas crédible. Un roman de science-fiction ou un avant-goût d’un futur Québec militant sauvagement pour la souveraineté ? Quelques détails qui agacent, des personnages parfois trop gros pour St-Alexis et quelques scènes prévisibles. Une intrigue qui tient le coup, même si parfois elle nous semble invraisemblable. Si Khadra peut faire exploser une femme pure et transparente dans « L’attentat », Leclair peut bien camoufler un truand dans la campagne québécoise… Les médias nous bombardent de malfrats aux allures d’ange, citoyens modèles et instruits de petits villages européens reculés qui fabriquent des bombes dans leur sous-sol, pourquoi pas ici ? L’idéologie du MASQ est extrémiste et violente, phénomène rarissime dans notre pays calme… Donc, plus difficile à avaler. Pour l’instant, cette histoire nous fait sourire en coin et l’auteur prend plaisir à nous pousser dans des zones très noires. Un livre qui se lit bien et avec intérêt si on fait abstraction de la « grosseur » de certains personnages et de certaines situations… Pas mal pour un premier tour de piste !

dimanche 14 octobre 2007

La cause avec un petit "c"

Il y a des livres qu'il faut laisser tomber de nos mains un certain temps avant d'essayer d'en parler. Je me félicite d'avoir lu « Le sang des colombes » suffisamment à l'avance pour me permettre cette période de macération.


J'ai commencé ce roman avec une attitude ouverte pour le bonheur avec en mémoire les derniers mots de la couverture « ... pour apprendre le bonheur ». En plus, les paisibles villages à l'écart des grandes routes, comme St-Alexis, me font toujours cet effet de détente. Je pénètre donc ce village, en même temps que Roman Maric. Ici, on ne s'emberlificote pas dans les fils du suspense, on connaît déjà son identité, c'est un terroriste de la plus pure espèce, de ceux qui se tiennent à des lieux de leur pays et de leurs émotions. Nous en sommes avertis, probablement que Dany Leclair a jugé qu'un lecteur averti en vaut deux - c'est pas bête, ça double le nombre de lecteurs ;-0 -

De le savoir à l'avance a tout de même retiré une part du mystère mais pas complètement, il restait un questionnement : va-t-il guérir ou non de son métier ? Est-ce que le plaisir apporté par le duo (duel) des soeurs vont l'amadouer au bonheur calme d'une vie sans reproches ?


Le terroriste en pause, Roman Maric dirait bien méritée, est hébergé par un artiste peintre que je ne suis pas arrivé à trouver sympathique. Je veux dire, sans même ce plaisir qu'on nous offre parfois de détester un personnage. Je le trouvais repoussant, point. Il me restait Hubert, le maire, un être vulnérable, presque une victime, tellement tous et chacun le berne. Il en faut toujours dans un roman !


Mais là, arrêtez-moi, j'aborde les personnages, ne touchant pas l'histoire et le style. L'histoire a été planifiée, il n'y a pas à dire. On sent de la maîtrise, on ne s'évade pas de l'artère principale, on la suit pas à pas. Comme c'est une histoire centrée sur un terroriste, j'aurais aimé sentir un peu plus la menace planée sur le village. De ne pas sentir de peur m'a manqué. Maric, comme toute bonne visite se plie aux convenances, ce qui donne en bout de ligne, un terroriste pacifiste à St-Alexis. Remarquez, c'est peut-être personnel mais j'ai éprouvé une importante difficulté à l'imaginer prêt à tuer des milliers de personnes au nom de la liberté. Je ne l'ai pas suffisamment senti vibrer pour cette cause apparemment léguée par son père. Va sans dire que croire à la cause d'un terroriste est capitale, sinon il se transforme en un vulgaire tueur à gages. Est-ce moi, mais le principe de la sacro-sainte « Liberté » ne me fait pas frémir, juste à sa mention, et d'autant plus que, ne l'oublions pas, qu'il s'agit ici de l'oppression du peuple québécois ! Par la bouche du terroriste, elle se comparerait à celle de tous les peuples opprimés de la terre ! À partir de là, une grande difficulté de ma part à donner de la crédibilité à cette cause.


Le style a un côté très explicatif, presque justificatif. L'histoire, solide malgré ma difficulté à croire à cette Cause avec son grand C, gagnerait en force si on justifiait moins et affirmait plus. Aérer la ligne, qu'on ait de l'espace pour imaginer un peu par l'entre-ligne. J'ai eu l'impression que l'auteur désire démontrer qu'il a pensé à tout. Que ça se tient. Un style plus imagé aurait mieux servi la trame de fond, son lot de mystères et sa galerie riche en personnages tels la mère, les soeurs, la tenancière, le « personnage » des villageois.


Cette histoire avec ses surprenants relents de morbidité se termine sur une fin frappante. C'est le moins que l'on puisse dire sans dévoiler un punch.


En bout de ligne, un livre qui ne laisse pas indifférent et j'ose rajouter ceci : je serai très curieuse d'entendre un lecteur masculin ...


lundi 1 octobre 2007

La Recrue du mois de novembre : Christine Eddie - Les carnets de Douglas

Née en France, Christine Eddie a grandi en Acadie avant de se poser au Québec. Elle a signé de nombreux articles, publié quelques nouvelles, reçu deux prix littéraires (Prix Arcade au féminin et Concours de nouvelles XYZ) et écrit un livre pour la jeunesse, La croisade de Cristale Carton (Hurtubise HMH, 2002). Les carnets de Douglas est son premier roman.



Quatrième de couverture : Le même jour, deux adolescents parviennent à fuir un destin qui les aurait emmurés. Ils se trouvent, deux ans plus tard, à Rivière-aux-Oies, un village beaucoup trop discret pour figurer sur une carte. Au cœur de la nature généreuse et sauvage, ils s’aiment, à l’abri des rugissements du vingtième siècle. Jusqu’à ce que la vie, comme d’habitude, fasse des siennes.

Les années passent, Rivière-aux-Oies se métamorphose avec, en arrière-plan, une révolution à peine tranquille et le saccage des bétonnières. Une famille singulière s’improvise, malgré les ragots et en dépit des blessures. Dans la maison du docteur, les liens se tissent avec tendresse. Un médecin au cœur rafistolé, une institutrice au nom imprononçable et une enfant surgie des bois vont peut-être permettre à Douglas d’entendre enfin la réponse du vent.

Une passion comme au cinéma, qui se déploie à l’ombre d’un arbre, d’une clarinette et de la beauté fragile du monde.

Source :
Les Éditions Alto
Premier chapitre en format PDF (156 ko)