Christian Desmeules
Collaborateur du Devoir
Édition du samedi 10 et du dimanche 11 novembre 2007.
Rencontre avec Simon Girard, auteur de Dawson Kid.
Un premier roman généralement bien reçu par la critique. Sensation de la rentrée. Avec Dawson Kid, paru en août chez Boréal, Simon Girard a pondu un roman intense, tendu de révolte, un roman coup-de-poing qui raconte à la première personne le parcours chaotique et la colère d'une danseuse nue âgée de 20 ans, Rose Bourassa, de son passé de victime au désir salvateur de maîtriser son destin.
Sa découverte de la boxe comme exutoire, sur fond de tuerie au collège Dawson, et façon de faire reculer sa propre mort. Son envie de cogner sur tout ce qui bouge pour défoncer le mur d'insensibilité derrière lequel elle se sent prisonnière. «Une petite fille en colère, fatiguée de bouder, à qui on a prêté une paire de gants et un corps auquel il est permis de tout faire, dans les règles.»
Poigne solide, cheveux ras, chemise rouge largement déboutonnée, carrure de judoka, l'auteur de 28 ans déplie d'abord quelques feuillets où sont imprimés des extraits choisis de Dawson Kid, un premier roman gonflé de rage, de violence, de mort aussi, rapidement et largement remarqué par la critique pour ses qualités -- émotion brute, spontanéité.
«Pour répondre en me citant», annonce-t-il un peu maladroitement. Sa façon à lui d'affronter le petit cirque et de donner le change aux journalistes. Il laissera pourtant vite de côté son petit laïus pour discuter spontanément d'inspiration, de discipline d'écriture et d'idéalisme.
S'obliger à écrire
«La meilleure image que j'aurais pour parler de ce roman-là, c'est celle du film d'horreur. C'est pas l'fun, ça t'écoeure, c'est tough, mais tu continues à le regarder parce que ça te tient. C'est comme ça que je décrirais Dawson Kid. Ce n'est pas léger», confie Girard.
Simon Girard évoque sans pudeur les circonstances qui l'ont amené à l'écriture et à la publication de ce premier roman. Ses rêves de devenir écrivain et son choix -- forcément controversé -- de «se mettre sur le B.S.», comme il dit. De s'imposer un mode de vie frugal, de mettre le frein à sa vie sociale et de se retrancher dans son petit appartement jusqu'à ce qu'il n'ait simplement plus le choix. Plus aucune excuse possible pour ne pas écrire.
«On a tous des plans de faire du cinéma, raconte-t-il, pour faire ceci ou cela. Alors, un jour, je me suis dit: "Là, tu vas choisir quelque chose que tu peux commencer ce soir, maintenant, et tu pourras voir tout de suite si tu as vraiment quelque chose dans le ventre". C'était un test. J'avais eu mon quota des discussions de bar. Écrire un livre, je n'avais plus d'excuses pour ne pas le faire», reconnaît-il, conscient d'avoir atteint son premier objectif.
Une publication qui survient après plusieurs tentatives peu satisfaisantes, à ses propres yeux ou à ceux des éditeurs à qui il avait soumis ses manuscrits -- et notamment Boréal, qui a tout de même fini par publier Dawson Kid. «Cette histoire-là, c'est la numéro neuf», dira-t-il à propos de ce premier roman abouti , en évoquant brièvement les huit autres tentatives qui flirtaient toutes plus ou moins avec l'autofiction.
C'est l'arrivée presque miraculeuse d'une voix, celle de Rose Bourassa, le personnage central de Dawson Kid, qui lui a permis de se libérer, estime-t-il, du carcan autobiographique. «On tombe dans le mystique un peu, mais j'ai l'impression que c'est plus elle qui l'a écrit. Aussi, le fait que c'était une fille en faisait quelque chose de plus extérieur, et d'une certaine façon c'était plus fort, comme si ce n'était plus moi qui parlais.» Mais, au final, ajoute-t-il, on finit par se rendre compte qu'on écrit toujours avec son propre filtre et à partir de ce qu'on connaît le mieux.
La folie des grandeurs
Et comment faire pour garder la rage au ventre, pour conserver le sentiment d'urgence et de révolte qui a servi de moteur pour écrire? «Bonne question... Garder la rage... Je ne sais pas trop», avoue celui qui se situe lui-même, comme écrivain, quelque part entre Proust et Bukowski: «Entre l'écriture à l'os et l'animalité de Bukowski, d'un côté, et l'extrême vérité pointilleuse de Proust, de l'autre.»
Idéaliste dans l'âme, presque naïf, Simon Girard confie son désir d'atteindre et de toucher les gens, ses rêves de communion avec le genre humain. «J'ai la folie des grandeurs. Si j'écris... Le minimum, pour moi, serait que cette histoire-là fasse le tour», reprend-il, souhaitant pour son premier roman rien de moins qu'une consécration planétaire. «Si ça fait du bien à du monde, si ça fait apparaître une certaine vérité, si c'est un peu important et si je peux faire partie de la solution...» Le succès, la richesse, la gloire, le Nobel? «Je ne m'attends pas à ça, mais je me prépare pour.»
«Mais, au départ, tu veux sauver ta peau, avoue le jeune auteur qui souhaite vivre de son écriture. Parce que si tu ne sauves pas ta peau, tu ne pourras pas aider grand monde.» Confiant de la suite des choses («J'ai déjà mille pages d'écrites pour l'année prochaine», lance-t-il), Simon Girard assure qu'il ne s'agit que d'un premier round.
Édition du samedi 10 et du dimanche 11 novembre 2007.
Rencontre avec Simon Girard, auteur de Dawson Kid.
Un premier roman généralement bien reçu par la critique. Sensation de la rentrée. Avec Dawson Kid, paru en août chez Boréal, Simon Girard a pondu un roman intense, tendu de révolte, un roman coup-de-poing qui raconte à la première personne le parcours chaotique et la colère d'une danseuse nue âgée de 20 ans, Rose Bourassa, de son passé de victime au désir salvateur de maîtriser son destin.
Sa découverte de la boxe comme exutoire, sur fond de tuerie au collège Dawson, et façon de faire reculer sa propre mort. Son envie de cogner sur tout ce qui bouge pour défoncer le mur d'insensibilité derrière lequel elle se sent prisonnière. «Une petite fille en colère, fatiguée de bouder, à qui on a prêté une paire de gants et un corps auquel il est permis de tout faire, dans les règles.»
Poigne solide, cheveux ras, chemise rouge largement déboutonnée, carrure de judoka, l'auteur de 28 ans déplie d'abord quelques feuillets où sont imprimés des extraits choisis de Dawson Kid, un premier roman gonflé de rage, de violence, de mort aussi, rapidement et largement remarqué par la critique pour ses qualités -- émotion brute, spontanéité.
«Pour répondre en me citant», annonce-t-il un peu maladroitement. Sa façon à lui d'affronter le petit cirque et de donner le change aux journalistes. Il laissera pourtant vite de côté son petit laïus pour discuter spontanément d'inspiration, de discipline d'écriture et d'idéalisme.
S'obliger à écrire
«La meilleure image que j'aurais pour parler de ce roman-là, c'est celle du film d'horreur. C'est pas l'fun, ça t'écoeure, c'est tough, mais tu continues à le regarder parce que ça te tient. C'est comme ça que je décrirais Dawson Kid. Ce n'est pas léger», confie Girard.
Simon Girard évoque sans pudeur les circonstances qui l'ont amené à l'écriture et à la publication de ce premier roman. Ses rêves de devenir écrivain et son choix -- forcément controversé -- de «se mettre sur le B.S.», comme il dit. De s'imposer un mode de vie frugal, de mettre le frein à sa vie sociale et de se retrancher dans son petit appartement jusqu'à ce qu'il n'ait simplement plus le choix. Plus aucune excuse possible pour ne pas écrire.
«On a tous des plans de faire du cinéma, raconte-t-il, pour faire ceci ou cela. Alors, un jour, je me suis dit: "Là, tu vas choisir quelque chose que tu peux commencer ce soir, maintenant, et tu pourras voir tout de suite si tu as vraiment quelque chose dans le ventre". C'était un test. J'avais eu mon quota des discussions de bar. Écrire un livre, je n'avais plus d'excuses pour ne pas le faire», reconnaît-il, conscient d'avoir atteint son premier objectif.
Une publication qui survient après plusieurs tentatives peu satisfaisantes, à ses propres yeux ou à ceux des éditeurs à qui il avait soumis ses manuscrits -- et notamment Boréal, qui a tout de même fini par publier Dawson Kid. «Cette histoire-là, c'est la numéro neuf», dira-t-il à propos de ce premier roman abouti , en évoquant brièvement les huit autres tentatives qui flirtaient toutes plus ou moins avec l'autofiction.
C'est l'arrivée presque miraculeuse d'une voix, celle de Rose Bourassa, le personnage central de Dawson Kid, qui lui a permis de se libérer, estime-t-il, du carcan autobiographique. «On tombe dans le mystique un peu, mais j'ai l'impression que c'est plus elle qui l'a écrit. Aussi, le fait que c'était une fille en faisait quelque chose de plus extérieur, et d'une certaine façon c'était plus fort, comme si ce n'était plus moi qui parlais.» Mais, au final, ajoute-t-il, on finit par se rendre compte qu'on écrit toujours avec son propre filtre et à partir de ce qu'on connaît le mieux.
La folie des grandeurs
Et comment faire pour garder la rage au ventre, pour conserver le sentiment d'urgence et de révolte qui a servi de moteur pour écrire? «Bonne question... Garder la rage... Je ne sais pas trop», avoue celui qui se situe lui-même, comme écrivain, quelque part entre Proust et Bukowski: «Entre l'écriture à l'os et l'animalité de Bukowski, d'un côté, et l'extrême vérité pointilleuse de Proust, de l'autre.»
Idéaliste dans l'âme, presque naïf, Simon Girard confie son désir d'atteindre et de toucher les gens, ses rêves de communion avec le genre humain. «J'ai la folie des grandeurs. Si j'écris... Le minimum, pour moi, serait que cette histoire-là fasse le tour», reprend-il, souhaitant pour son premier roman rien de moins qu'une consécration planétaire. «Si ça fait du bien à du monde, si ça fait apparaître une certaine vérité, si c'est un peu important et si je peux faire partie de la solution...» Le succès, la richesse, la gloire, le Nobel? «Je ne m'attends pas à ça, mais je me prépare pour.»
«Mais, au départ, tu veux sauver ta peau, avoue le jeune auteur qui souhaite vivre de son écriture. Parce que si tu ne sauves pas ta peau, tu ne pourras pas aider grand monde.» Confiant de la suite des choses («J'ai déjà mille pages d'écrites pour l'année prochaine», lance-t-il), Simon Girard assure qu'il ne s'agit que d'un premier round.
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