Une vague d’attentats terroristes balaie le Québec, semant la dévastation et la mort d’innocents. Un inconnu vient s’installer dans un petit village tranquille pour se faire oublier. Ce beau jeune homme aux allures chevaleresques cache un assassin, un terroriste se battant pour la liberté en faisant sauter des bombes... Le village est assoupi, l’étranger est intrigant. Il vient nourrir la curiosité des habitants, secouer les habitudes. On en oublie le danger…
Dany Leclair, sur des thèmes fort actuels, le terrorisme et la liberté, s’essaie à un pastiche du Survenant de Germaine Guèvremont. L’exercice est audacieux, mais le roman comporte certains défauts qui l’alourdissent. Des ingrédients manquent pour en faire une histoire prenante, qui aurait su nous faire réfléchir sur ces thèmes graves.
La narration, d’abord, n’arrive pas à plonger le lecteur véritablement dans l’histoire. La façon de raconter les évènements, généralement par rétroaction, finit par lasser. Les sentiments des personnages, leurs motivations profondes, sont décrits superficiellement, globalement. On en arrive à se faire des portraits fragmentaires des protagonistes qui, forcément, manquent de consistance. Ces descriptions en raccourci constellent le roman.
J’ai par ailleurs été agacée par les personnages secondaires, stéréotypés : l’artiste paumé, grossier et alcoolique, l’intellectuel policé, raffiné. Leur présence est prétexte à des réflexions banales sur l’art et son rôle dans la société ou encore sur la littérature, mais rien qui amène le lecteur très loin. Rien qui ne sorte des sentiers battus. Sans compter les deux sœurs rivales – un classique - dont l’aînée, pour une raison obscure, porte le prénom arabe Nadja, alors qu’elle est née sur une ferme au cœur d’un petit village rural du Québec!
Enfin, le principal reproche que je fais au roman de Leclair, c’est l’approche trop retenue de l’auteur pour aborder le thème qu’il ose traiter : le terrorisme. Le personnage central, Roman, est un terroriste sanguinaire, aux idées arrêtées. Il devrait être antipathique, mais son comportement, tout au long du roman, va à l’encontre de l’image que l’auteur s’acharne à créer. Cependant, on n’arrive pas non plus à s’attacher à lui, car il n’a aucune âme propre. Aucune chair. On n’arrive donc pas à comprendre les motivations intrinsèques de ce jeune terroriste globe-trotter. Même avec les références au passé du héros, à ses traumatismes d’enfance, le propos est toujours superficiel, on ne plonge jamais loin dans les réflexions ou le questionnement sur un thème qui aurait mérité un traitement plus senti, plus approfondi.
Quant au thème de la liberté, celui-ci est évoqué sous divers angles. C’est d’ailleurs ce qui est le plus réussi dans le roman, cette façon de montrer que la liberté peut être perçue différemment, qu’elle ne représente pas la même chose pour chacun. Tous les personnages du roman sont à sa recherche, à leur façon. C’est à mon sens la meilleure lumière sous laquelle aborder le texte.
Bien entendu, il s’agit d’un premier roman, l’effort est louable. L’idée d’ensemble n’était pas dénuée d’intérêt. Le résultat, pourtant, ne m’a pas convaincue.
Dany Leclair, Le sang des colombes. VLB éditeur, 187 pages.
lundi 15 octobre 2007
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2 commentaires:
Ce message, bien que publié sur ce billet, s'adresse à toutes les cinq. Je voudrais souligner le très beau travail d'analyse critique que vous avez fait avec franchise et honnetêté. C'est impressionnant et tellement intéressant pour nous lecteurs.
Je craignais un peu que ce carnet se transforme qu'en éloge face au travail de jeunes romanciers. Ce n'est pas du tout le cas et je m'en réjouis. Vos commentaires ne peuvent qu'aider les romanciers à peaufiner leur travail futur. Je vous encourage à demeurer intègre tout au long de l'aventure de ce carnet, il n'en sera que plus solide et crédible.
Vivement le 15 novembre!
Éric, ce que vous dites est encourageant pour nous. Nous ne nous attendions pas à exprimer un avis si partagé, c'est déconcertant, en même temps qu'un peu ... gênant. Voilà pourquoi j'accueille avec bonheur, et presque soulagement, que quelqu'un nous parle de crédibilité.
Et en passant, nous ne sommes pas cinq mais bien six ... mon commentaire "La cause avec un petit "c", est entré avec du retard (un bug).
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