Stéphane Achille signe, avec Balade en train assis sur les genoux du dictateur, au titre extravagant mais qui veut pourtant tout dire, un premier roman difficile à classer. Selon les chapitres courts et bien découpés, le ton oscille entre celui de la métaphore politique, du conte philosophique, de la chronique de vie de trentenaire (par moments, le ton m'a rappelé celui de Stéphane Dompierre) ou même de la réflexion sur l'industrie de la musique telle que nous la connaissons aujourd'hui.
Un musicien paumé mais néanmoins attachant, franchement en marge de la société, débarque de Paris pour passer quelques jours à New York. (En passant, je n'ai pas cru un instant que le musicien était français et, à vrai dire, je ne vois pas en quoi cela ajoute à l'histoire, à part d'accumuler quelques clichés passablement éculés et de confondre le lecteur entre tournures de phrases québécoises et mots d'argot français saupoudrés ici et là.) Dépassé par le bourdonnement de la ville, il passe sa vie dans la chambre d'hôtel ou au restobar de l'hôtel, où il fait la rencontre assez improbable d'un dictateur sur le déclin. Lui qui est pétrifié face au moindre petit geste à accomplir accepte pourtant de suivre Manuel (mais a-t-il vraiment le choix?) dans ce pays mystérieux sans nom mais qui ressemble à tant de républiques bananières. S'amorce alors un étrange périple qui tourne en rond (littéralement) mais qui permet, progressivement, de plonger dans la psyché des personnages et de se poser une série de questions éthiques, dont plusieurs ne comportent malheureusement pas de réponse claire. Entre séance de torture chinoise (le dictateur passe en boucle le CD désavoué et force le musicien à faire face à ses limites) et d'électrochocs (le dictateur ne déroge à aucune de ses règles, même quand il sait pertinemment qu'il condamne un innocent), ce huis-clos rondement mené par Achille entrouve la porte de l'horreur brute. Quand le musicien tue une première fois, on reste estomaqué de la facilité avec laquelle il complète le geste, lui qui, pourtant, ne démontrait aucune aptitude à la violence.
Le style d'Achille est achevé, alerte et pourtant reste d'une belle accessibilité. Si la peinture des régimes totalitaires reste par moment volontairement grossière (comme si tout ceci n'était qu'un rêve, d'une certaine façon), celle du milieu musical est particulièrement décapante. Quiconque a eu maille à partir avec des techniciens de studio, des musiciens professionnels blasés, des agents inutilement gourmands ou des distributeurs incompétents, ne pourra qu'hocher la tête à la lecture de ces pans de l'histoire personnelle du musicien, dévoilée à petites touches. Une voix particulière mais juste, que je réentendrai avec plaisir dans un deuxième roman.
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