dimanche 24 février 2008
Dans Le Libraire...
mercredi 20 février 2008
La recrue du mois de mars: Rawi Hage - Parfum de poussière
Bassam et Georges sont deux amis d'enfance qui ont grandi au milieu de cet enfer de gravats et de sang, dans l'écho assourdissant des détonations. Les deux voyous vivent de menus larcins jusqu'au jour où la dure réalité de la guerre vient les rattraper et les contraindre à un choix difficile : prendre les armes ou prendre la fuite. Tandis que Georges est séduit par les idéologies guerrières de la milice, Bassam, de son côté, rêve de s'enfuir en Europe. Mais ceux qui partent ne reviennent jamais.
Salué par la critique anglo-saxonne comme l'un des romans les plus puissants jamais écrit sur la réalité de la guerre, Parfum de poussière a révélé un écrivain doté d'un talent de conteur brut et d¹une plume sauvage, hallucinée. Cru et fort comme un direct à l'estomac, ce premier roman dresse un portrait cinglant de l'absurdité de la violence qui n'est pas sans évoquer L'étranger de Camus, dont le spectre flotte sur ses pages, tachées par la poussière et le sang des hommes.
Réf. : Parfum de poussière, Rawi Hage. Éditions Alto, 2007, 362 pages,
ISBN : 978-2-923550-10-7
vendredi 15 février 2008
Complainte amoureuse langoureuse
Judas commence par une « Entrée en matière » et une fois arrivé à la dernière page, j’y suis revenue et j’ai réalisé que tout était dit dans cette page et demie. C’est le résumé du livre, point à la ligne. Neffeli, le personnage principal raconte la part des trois hommes dans sa vie : son père, qu’elle nomme le placier de sa vie parce qu’il l’a incité à des études prestigieuses d’architecte pour sa réputation à lui autant qu’à elle. Son fiancé de Damas qui l’aime parfaitement mais de loin, même si elle est assurément très imparfaite. Et le garçon juif pour lequel elle éprouve une obsession à l’état brut.
Comme la trame de fond est mince, il s’agit de s’intéresser à cette obsession déconcertante pour ce garçon juif dans l’espoir, qui sait, d’en comprendre la source. Celui qu’elle nommera souvent le « pieux » nous ne le connaîtrons pas vraiment autrement que sous les dehors d’un garçon juif orthodoxe qui tient à exercer sa religion même si elle le fait souffrir. Lui, est récemment divorcé, elle, vient tout juste d’avorter du bébé du fiancé et les deux se reconnaissent dans la salle d’urgence d’un hôpital. Comme le fiancé de Neffeli est retenu au chevet de son père à Damas, la route est libre pour qu’elle se laisser couler à fond par son mal de peau du garçon juif.
Les dialogues sont rares, le vive-voix parcimonieusement égaré par ci et par là, ce qui a fini par me manquer, ne serait-ce que pour me sortir de la rengaine du « je souffre de ton absence ». Évidemment, c’est cohérent, il s’agit d’une obsession et une obsession contient son lot d’incessants recommencements !
Une belle écriture qui se démarque dans l’art de la complainte amoureuse langoureuse. De belles envolées en ce sens précis laissent la place, un peu abruptement parfois, à une écriture plus quotidienne. Ces styles d’écriture se juxtaposent et sporadiquement, arrivent des lettres, jamais expédiées au destinataire que j’ai appréciées plus pour l’esthétisme pur que pour l’émotion touchante.
La trame de l’histoire est si ténue que j’ai presque fini par me dire, un beau style, oui, mais pour servir quelle intrigue ? J'aurais apprécié une histoire plus étoffée et j'ai eu de la difficulté à sentir l'incarnation des personnages, le principal y compris. Par exemple, Neffeli est une architecte et il est très difficile d’y croire. Ensuite, sa gang d’amies au début, c’est intéressant et puis ensuite, elles s’éclipsent complètement nous laissant fin seul avec un dialogue intérieur qui, tout bien tourné qu’il soit, finit par lasser à la longue.
Un amour improbable
Valse-hésitation entre les protagonistes, tango alambiqué entre le vécu et les rêves de la narratrice, réfraction entre le chant du cantor de synagogue qui brime en même temps qu’il libère, Judas de Tassia Trifiatis a les défauts de ses qualités. En voulant explorer un univers inusité, l’auteure m’a fait hésiter entre tendresse et énervement, la poésie de son style ne réussissant pas à masquer les mines dissimulées un peu partout en sous-texte, prêtes à exploser au moindre pas. Quand on s’y attarde, l’histoire est simple : un amour improbable entre Neffeli, jeune Grecque des plus affranchies mais ployant sous le poids de la tradition et Yéhouda, grand garçon juif orthodoxe écrasé par les diktats de sa religion mais qui au fond, ne demande qu’à s’en affranchir. Deux êtres finalement pas si différents de nous tous.
Le style est fluide et contient suffisamment d’images réussies pour qu’on s’y attarde quelques instants en les lisant. « Comme des bulles de savon, ses expériences avec moi lui éclataient au visage. Et il jubilait. Je lui avais mis de la boue sur les paupières. Depuis, il voyait. » (page 61) L’histoire d’amour est suffisamment attachante pour que les personnages continuent de nous hanter, une fois le livre refermé. Pourtant, je continue de m’interroger sur les failles de ce premier roman, sa chute précipitée notamment. Après avoir choisi la voie (et la voix) de la tendresse, du lien qui se tisse doucement, aussi subtilement que la laine du châle de prière, Tassia Trifiatis fait basculer les amoureux dans le néant du quotidien qui reprend ses droits, avec une désinvolture presque violente qui m’a laissée des plus perplexes. Comme une histoire d’amour qui se termine en queue de poisson…
Pas grand chose
Judas, c’est ça pour moi. Ce n’est pas que le travail de Tassia Trifiatis soit mauvais. Malgré certaines petites maladresses qui auraient pu être évitées, l’écriture est tout à fait correcte. Le contexte et les personnages assez bien esquissés. Mais ça ne lève pas. C’est peut-être au niveau de l’histoire que ça accroche.
Je n’ai pas eu beaucoup d’intérêt à suivre l’espèce d’errance du cœur que vit Neffeli après son avortement. Grecque d’origine vivant à Montréal, elle s’embarque dans une relation bizarre avec Yéhouda, un jeune homme juif tiraillé entre ses pulsions profondes et le dictat de sa religion. Les différences culturelles sont bien démontrées. Le contexte nous rappelle Hadassa mais en beaucoup moins bon, faut-il à juste titre le préciser.
Déceptions... et pourtant
J’avais beaucoup d’attentes devant ce roman. C’est sans doute pourquoi je suis si déçue de cette lecture.
Ma première déception, concerne le niveau d’érudition du roman. Je m’attendais à plus d’une auteure d’origine grecque vivant dans une ville aussi multiethnique que Montréal. Le sujet central du roman est la différence entre l’héroïne et Yéhouda et l’impossibilité pour eux de partager leur monde. Est-ce voulu qu’on ne s’arrête qu’au dehors de ce qui caractérise la communauté juive orthodoxe? Qu’on n’y apprenne rien, qu’on reste en surface, avec une impression de surfer sur les apparences? Les allusions à la culture arabe, à la musicalité de la langue, sont décevantes. Même la Grèce, que l’auteur connaît pourtant, reste pâle et sous-utilisée.
Autre déception, le propos. La trahison est un thème riche. Évocateur. Qui a nourri de nombreux romans, inspiré plusieurs créateurs. Probable que cela continuera à inspirer encore de grandes œuvres. Pourtant, ici, je n’ai pas « senti » cette trahison. On me l’a bien suggérée, en appuyant beaucoup d’ailleurs, mais sans succès. Elle est désincarnée. Conceptuelle. Absente dans l’essence même de ce qu’est la trahison.
Autre déception : le processus narratif incluant des « lettres » destinées à être tour à tour détruites, cachées, effacées… On se demande à quoi elles servent, réellement. Déjà que la narration est au « je », on n’ajoute rien de nouveau à l’angle d’approche du personnage central par cette étrange insertion épistolaire.
J’en arrive à ma déception ultime, celle qui m’a pratiquement fait refermer le livre avant même la cinquantième page : le style. Quelle lourdeur! J’ai mis un temps fou à lire ce mince roman de 142 pages. L’écriture ne « coule » pas. On s’empêtre dans un style affecté, ronflant, qui cherche l’effet sans faire mouche. J’ai été agacée par l’impression constante de l’exercice de style. J’ai tiqué notamment sur ces métaphores répétées à l’envi, sur les thèmes les plus divers : rivages marins (p. 73), instinct de loup (p. 82), scène de théâtre (p. 114), etc. Sans compter les phrases alourdies d’adverbes et d’adjectifs inutiles. Un exemple? « Ma bouche aussi avait juré qu’elle ne collerait plus ses papilles sur ses gouttes effrayées, sur l’épicarpe de viande aigre-douce du garçon juif. » (p. 82)
Mentionnons au passage des fautes d’orthographe qui rendent, pour certaines, la compréhension difficile : le « gargon (garçon) juif » (p. 53), « Mon amie avait toujours était (été) bonne au jeu de l’exagération » (p. 62), « Ainsi j’ai fini par tout avouer à la dame aux cheveux, donc (dont) j’enviais l’inertie. » (p. 77), « j’étais entré (entrée) chez lui » (p. 133) Je dois dire à cet effet que ces fautes m’ont surprise venant d’un éditeur comme Leméac. Car ici, ce n’est pas l’auteure qu’il faut blâmer mais la personne qui a supervisé la relecture du manuscrit final.
Déceptions, donc, que cette lecture de Judas.
Pourtant…
Pourtant, je ne saurais nier le talent manifeste de Tassia Trifiatis. Son sens de la langue. Cela mérite qu’on le souligne. Mais il lui faudra se départir de son enveloppe de « bonne étudiante » pour s’assouplir, se délester de tout ce qui alourdit son style et prendre enfin son envol d’écrivain. Ainsi, malgré toutes mes réserves devant ce Judas, je décèle chez Tassia Trifiatis l’écrivain en devenir.
Une belle poésie... une petite déception
Tassia Trifiatis écrit incroyablement bien. Il y a une poésie, un lyrisme, une richesse dans sa plume qui donne envie de la connaître plus, de l’entendre davantage. Mais en attendant un deuxième roman, je n’ai pas du tout embarqué dans cette histoire comme une métaphore. À un moment donné, la poésie semble s’enrouler sur elle-même et ne pas avoir d’autres fins. Je suis assez d’accord avec Jade Bérubé de La Presse lorsqu’elle écrit «… la poésie des premiers chapitres ne prend pas l'envol attendu par la suite et l'on se surprend à espérer un développement autre que lyrique.» Je ne saurais mieux dire !
J’ajouterais que l’entêtement de Neffeli a fini par me tomber sur les nerfs. Je suis dans une phase où les personnages littéraires qui font des fous d’eux sous prétexte de passion m’énervent au plus haut point. Comment disent-ils… been there, done that !
La vie à double voie...
Trahisons...
Neffeli et Yehouda se rencontrent à l'hôpital, suite à l'avortement de cette dernière. Yehouda va vite prendre la place de cet enfant perdu... Voilà surement une des choses qui m'a déplu dans ce roman : la base de cette histoire d'amour, ce jeune homme que la narratrice appelera souvent son enfant, qui en devient un substitut... alors que si peu d'années les séparent et qu'ils s'aiment.
Et l'amour n'est pas le plus fort face à la ferveur religieuse de Yehouda. Alors qu'on pourrait croire que le fiancé de Neffeli est L'obstacle à leur histoire, hé ben non, c'est la ferveur religieuse de Yehouda qui va être une entrave...
J'avoue que tous ces éléments ne m'ont guère fait accrocher à l'histoire. De plus, je n'ai pas été, non plus, emballée par l'écriture de Tassia Trifiatis. Elle est pleine de métaphores... un peu trop, à mon goût. Pendant un paragraphe, elle va faire des métaphores sur un même thème. Je les ai parfois trouvées maladroites, mais j'ai surtout trouvé qu'il y en avait trop. Et puis la narratrice n'était pas tout le temps clair et j'avoue que cela m'a quelques fois perturbé...
En conclusion, mon avis reste très mitigé sur ce roman, n'ayant été emballée ni par l'histoire, ni par l'écriture de Tassia Trifiatis...
vendredi 1 février 2008
Chez cyberpresse.ca...
Judas : un premier roman fort intéressant
Jade Bérubé
La Presse
Collaboration spéciale
Judicieux titre que ce Judas. L'héroïne de ce premier roman de Tassia Trifiatis ne se laisse d'ailleurs voir que par à coups, entre des coulées de mots. Noyée dans un sentiment de culpabilité après un avortement irréfléchi, alors qu'elle vient à peine «d'extraire la bague de fiançailles de son ventre» sans le dire au fiancé, Neffeli rencontre Yehouda dans la salle des urgences. Se tisse alors un étrange lien affectif entre la coupable et le jeune juif hassidique audacieux et ostracisé par ses pairs. C'est que dans un trouble transfert, Neffeli s'approprie rapidement le jeune homme, l'habillant du suaire de son enfant perdu.
S'ensuit une relation où l'érotisme frôle constamment la quête, Neffeli s'obstinant à nier l'absence dans ses entrailles, ouvrant au garçon juif «le judas de sa chair». Or, Yehouda délaisse un jour la nouvelle matrice non juive pour retourner à sa communauté, laissant Neffeli gérer la double perte.
Visiblement, Tassia Trifiatis livre ici un premier roman fort intéressant, jouant si bien avec les métaphores qu'érotisme et maternité se confondent habilement. Toutefois, la poésie des premiers chapitres ne prend pas l'envol attendu par la suite et l'on se surprend à espérer un développement autre que lyrique. L'idée aura-t-elle dépassé l'auteure qui, ne sachant où la mener, n'a pu faire autrement que la laisser tourbillonner sur elle-même? Peut-être. À suivre