par Louise Turgeon
Prix Robert-Cliche du premier roman 2007
Balade en train assis sur les genoux du dictateur
de STEPHANE ACHILLE
Le prix Robert-Cliche de l’année 2007 est remis à Stéphane Achille pour son premier roman, Balade en train assis sur les genoux du dictateur.
Stéphane Achille présente ainsi son roman : un concours de circonstances amène un musicien frustré à suivre un dictateur sud-américain dans son pays et dans l’exercice de ses fonctions dictatoriales.
Mon comptable à moi m’a demandé de lui présenter toutes les dépenses et tous les revenus de mon disque pour faire mes impôts, et il a mis fin à ma carrière musicale.
Le musicien « raté », qui est le narrateur du roman, part alors pour New York où il rencontre Manuel, un homme au français impeccable et dont le teint basané laisse deviner des origines sud-américaines.
Après seulement trois conversations, il accepte l’invitation de Manuel à l’accompagner pour visiter son pays.
C’est le début de cette drôle de balade que Stéphane Achille nous raconte dans une succession de chapitres très courts, faisant alterner les souvenirs douloureux du musicien parisien et de ses déboires pour produire son premier disque, avec le récit de cet étrange périple en compagnie du dictateur de ce pays d’Amérique du Sud qui ne sera jamais nommé.
Balade en train assis sur les genoux du dictateur tourne autour des conversations entre les deux hommes en voyage.
Dans ce duo plus qu’improbable, qui conservera jusqu’au bout une certaine part de mystère, nous constatons petit à petit que la naïveté ou le cynisme ne sont l’exclusivité ni de l’un ni de l’autre.
La relation entre les deux hommes, fondée sur un rapport de force évident au départ, devient de plus en plus complexe.
Le roman présente ainsi plusieurs retournements qui sont évoqués de manière très subtile par son auteur.
Tous les terrains deviendront glissants, que ce soit le mythe de l’artiste et du créateur, ou les modes et leur médiatisation qui suggèrent aussi une forme de dictature, ou encore les régimes socialistes s’avérant totalitaires...
Stéphane Achille tisse ainsi un climat inquiétant, dans lequel le lecteur ne peut s’appuyer sur aucune certitude.
Avec un récit rythmé et dynamique, qui ne faiblit pas tout au long de ses 79 chapitres, l’auteur réussit à créer aussi un vrai suspens, car on se demande jusqu’à la fin où cet étrange voyage pourra bien mener les protagonistes.
«Je viens de sauver une vie mais j’ai déjà tué deux hommes. Je suis donc toujours déficitaire d’une vie mais je viens de réduire mon déficit de moitié. La comptabilité continue de me poursuivre, que je pense en souriant, sachant que c’est de très mauvais goût. »