dimanche 21 octobre 2007

Sur Cyberpresse.ca

Le dimanche 21 octobre 2007

Biblio: Les carnets de Douglas



Jade Bérubé

La Presse

Collaboration spéciale

Parfois, les mélèzes cachent des secrets intimes. C'est d'ailleurs sous un mélèze qu'Elena est enterrée, tenant entre ses mains la clarinette de Douglas. Deux êtres croisés en exil, s'étant trouvés pour ne plus être séparés. «J'étais seul, songeait Douglas, et maintenant je suis unique. Comment un tel miracle a-t-il pu se produire?»

La nouvelliste Christine Eddie livre avec Les carnets de Douglas un premier roman empreint de tendresse et de poésie dont on a peine à s'extraire tant la richesse de cet univers sait nous habiter. Écrite avec simplicité et assise sur une suite de chapitres courts, l'histoire ne manque pourtant pas de finesse. La naïveté de Douglas, vivant volontairement en marge de la civilisation, s'effrite à la mort soudaine d'Elena, le confrontant à une réalité à laquelle il tente d'échapper. L'impossibilité d'élever seul le nourrisson le conduit à confier l'enfant au docteur du patelin, homme esseulé et racorni par ses amours déçues qui s'empresse de se faire aider par la voisine, madame Gabrielle. L'étrange famille se déploiera pendant que le béton gagnera sur la terre battue.

L'humanité qui se dégage de ce récit laisse entrevoir l'exceptionnelle capacité de l'auteure à nous toucher avec une histoire qu'elle se contente d'effleurer. Même Rose, l'enfant que l'on se partage, grandit à l'ombre du lecteur. On a alors l'impression étonnante que pour en savoir plus sur tous ces gens, il faudrait s'intéresser aux inconnus que l'on croise et dont on ne sait rien... Ou alors interroger la mémoire des arbres.

Les carnets de Douglas

Christine Eddie

Alto
199 p.
21,95$

Sur Culture Hebdo

Un grand amour rural

D'origine française Christine Eddie sait sonder les coeurs. Du moins le fait-elle brillamment avec les deux amoureux de son premier roman Les carnets de Douglas qui a pour toile de fond un bled reculé du Québec où sent bon le foin. C'est une histoire d'amour banale comme il y en a des centaines, voire des milliers. Mais ici la beauté de cette variation sur ce thème ancestral est le ton employé pour décrire ces sentiments. C'est une grande poétesse qui sait manier la prose magnifiquement. Dès la première ligne vous êtes happés et n'en sortez que conquis à la dernière page. Et dire que c'est son premier roman!

Les carnets de Douglas. Christine Eddie. Alto. 204p.

mercredi 17 octobre 2007

Dans Le Devoir.com

Suzanne Giguère
Édition du samedi 13 et du dimanche 14 octobre 2007

«On s'essouffle à parcourir la terre, à l'affût de quelque trésor qui console. On écoute le chant de la mer. On lit un poème. On respire du jasmin. On tombe avec la neige. On cherche un éblouissement qui retentira encore quand les heures creuses reviendront rythmer l'ordinaire, un éclat fulgurant qu'aucune misère humaine ne peut écraser.» Inconsolable depuis la mort de sa femme, Douglas Létourneau voyage à travers le monde. Il écrit à sa fille, une manière pour lui d'entretenir l'illusion d'une relation jamais interrompue avec elle. Ses carnets sont les seuls paravents qu'il a trouvés pour se protéger de la souffrance. Ce sont aussi, d'une certaine manière, des lettres d'amour.

Québec, 1950. À dix-huit ans, mal-aimé, solitaire et silencieux, Romain Brady coupe les ponts avec sa famille et part vivre à la campagne. Le même jour, Éléna Tavernier fuit une maison pleine de fracas et se réfugie dans un monastère avant d'être hébergée à Rivière-aux-Oies par une pharmacienne qui l'initie aux plantes sauvages.

Deux ans plus tard, Romain et Éléna se rencontrent au coeur de la nature généreuse et sauvage de Rivière-aux-Oies. Attiré par la grâce de son rire, Romain (qui dit s'appeler Létourneau) tombe amoureux d'Éléna et sort de son mutisme: «N'avoir pas parlé durant vingt ans et connaître soudain un dictionnaire entier de mots d'amour.» Le couple passe l'été à se promener dans les sous-bois. Éléna révèle à Romain le nom des plantes et leur effet miraculeux sur les migraines et la mélancolie, lui apprend à faire de la teinture d'aubépine et de l'onguent à la citronnelle. Le domaine privilégié de Romain reste celui des arbres. Les noms résonnent comme un voyage autour du monde: «l'araucaria d'Australie, le micocoulier de Provence, le cèdre du Liban, le genévrier de l'Himalaya, le peuplier de Szechuan. Éléna donne à Romain le nom du plus grand, du plus solide et du plus spectaculaire des arbres: le Douglas.»

Mais, comme le dit la chanson, la vie parfois sépare ceux qui s'aiment.

Les années passent. Rivière-aux-Oies prend de l'expansion, connaît un essor frénétique sous le saccage des bétonnières, pendant qu'en arrière-plan se déroule une révolution à peine tranquille. Une famille singulière s'improvise malgré les ragots du village et en dépit des blessures: un médecin venu s'installer au village pour échapper aux «rugissements du monde», une institutrice au «parler insolite et aux origines nébuleuses», dont les six chiffres tatoués en bleu sur son avant-bras gauche en disent long sur la tragédie qui se cache sous son mystérieux passé, et une enfant surgie des bois.

L'enfant se prénomme Rose. Recueillie après la mort de sa mère Éléna, la fillette marque d'un feutre rouge les destinations de son père absent qui explore le monde. Dans les lettres qu'il lui envoie («c'est tout ce que j'ai trouvé pour ne jamais te quitter»), Douglas lui transmet sa ferveur pour la nature, la musique, la poésie et la fragile beauté du monde. Après treize ans d'exil, il annonce son retour. «Il m'aura fallu beaucoup trop de temps pour comprendre qu'ici ou ailleurs, loin de toi, la lumière est toujours tamisée. Il y a des silences impardonnables [...] Je n'écrirai plus, c'est mon dernier carnet, je te le promets. Je reviens. Attends-moi.»

Merveilleusement léger

Écrivaine à la prose sage et poétique, à l'imaginaire subtil et délicat, Christine Eddie émerveille par son regard bienveillant sur les êtres et les choses. Première oeuvre pour adultes, désarmante de simplicité et de tendresse, Les Carnets de Douglas coulent comme de l'eau, avec pour seule mémoire l'amour.

Soucieuse de son art et de son style, l'auteure multiplie les phrases simples, justes et parfaites: «Eh bien oui, quelquefois l'amour sait être grandiose.» Elle nous fait ressentir la plénitude lumineuse de la passion avec une finesse et une sincérité touchante qui nous habite longtemps après la lecture. Elle nous propose enfin une réflexion sur la responsabilité et l'engagement de l'homme envers la nature et l'environnement, et sur l'ouverture à l'autre, dans sa différence.

Avec Les Carnets de Douglas, Christine Eddie signe un premier roman merveilleusement léger malgré sa gravité. Il s'incruste en nous comme une incessante musique.

Collaboratrice du Devoir

mardi 16 octobre 2007

La Recrue recrute!

La Recrue du mois est présentement à la recherche de quelques lecteurs de sexe masculin afin d'offrir un autre point de vue sur les lectures mensuelles proposées ici. Les candidats devront avoir fait preuve de leur sens critique sur un blogue ou une publication quelconque. Ils devront être disciplinés et devront s'engager à publier leur critique le 15 de chaque mois, sans retard ! Les lectures choisies résultent des suggestions de chacun où la majorité l'emporte au vote.

Si l'idée de joindre un club de lecture vous intéresse, manifestez-vous dès maintenant...

Chez Bazzo.tv

Denise Bombardier a lu Les carnets de Douglas, premier roman de Christine Eddie, une auteure née en France mais qui a passé son enfance en Acadie. Pas de chance : troisième lecture, troisième déception pour notre lectrice invitée... C’est une histoire complètement hors du temps, écrite dans un style suranné. Là encore, nous dit-elle, l’émotion ne l’atteint pas.

Bazzo

Sur Cyberpresse.ca

Le dimanche 09 sept 2007

Valérie Gaudreau

Le Soleil

Belle découverte aussi que Les Carnets de Douglas, premier roman d’une femme de Québec, Christine Eddie, publié chez Alto. Ici, on est loin des rings de boxe de Montréal, alors qu’on se retrouve plutôt dans le village de Rivière-aux-Oies à la rencontre d’Éléna et de Romain, deux jeunes qui ont quitté leur milieu pour se réfugier dans la nature.

Dès le moment où ils se rencontrent par hasard, ces deux fugueurs des bois vivront un bonheur tranquille jusqu’à ce que le destin en décide autrement et qu’Éléna ne survive pas à la naissance de leur enfant, Rose (elle aussi !).

Difficile de raconter sans tout dévoiler, mais disons seulement que la petite sera prise en charge par un trio de parents pas piqué des vers composé de son père biologique, du médecin du village et d’une institutrice au nom compliqué survivante des camps de concentration. À travers cette famille étonnante et avec en toile de fond un village tissé serré qui subit les bouleversements de la civilisation, Christine Eddie démontre un grand talent à raconter une belle histoire en apparence toute simple, mais qui se révèle une formidable réflexion sur la mémoire, le deuil, la filiation, le temps qui passe et l’amour de la nature. Un roman original et attachant dont les quelque 200 pages se savourent comme un bel après-midi d’automne.

Christine Eddie, Les Carnets de Douglas, Alto, 198 p.

lundi 15 octobre 2007

Quand le terrorisme se conjugue en fleurs de lys

Roman Maric, d’origine roumaine, est de passage au Québec au même moment où un nouveau regroupement indépendantiste radical pose des bombes dans des écoles anglophones. Il ne s’agit pas d’un hasard : Roman est au Québec pour ce mouvement, pour ses bombes, pour la lutte à la liberté.

Le sang des colombes est donc l’histoire de ce jeune homme habitué à circuler comme une ombre qui vient remplir un contrat macabre et criminel pour la liberté au Québec et qui se réfugie, le temps de laisser la poussière retombée, dans le petit village de Saint-Alexis. Là il découvrira une vie qu’il n’avait jamais pu imaginer faites de confiance, d’amitié et même d’amour. Vivant chez le peintre Gauthier, découvrant l’amitié du maire Hubert, coincé entre deux sœurs rivales, personne ne pourra se douter qu’il est le maître d’œuvre du sang qui s’écoule partout sur le territoire. C’est un roman qui aborde la question de la violence politique et de ses paradoxes, un peu comme le faisait La clameur des ténèbres de Neil Bissoondath.

D’entrée de jeu il faut souligner la volonté manifeste de l’auteur, de ne pas écrire un roman autofictionnel. On comprend, et on sent même dans l’écriture, cette volonté de regarder plus loin que soi, d’embrasser plus large, de toucher des thèmes plus grands. J’ajouterais que certains personnages sont très intéressants. Il m’a semblé que la figure la plus peaufinée de ce roman est celle du peintre Gauthier dont le rapport ambivalent à la violence m’apparaît plus crédible que celui de Roman. D’ailleurs, les réflexions autour de l’art contemporain sont pertinentes et une certaine scène d’un vernissage à New York la plus réussie du roman à mon goût.

Mais certains éléments m’ont laissé sur ma faim. D’une part, l’ambivalence de Roman ne me semble pas assez exploitée, à peine esquissée. On s’attendrait à ressentir le déchirement vécu par celui qui découvre la paix mais est appelé par un destin de violence. Déchirement qui était à la fois subtil et palpable chez Bissoondath.

D’autre part, il faut un certain courage, que je salue, pour écrire une politique fiction, mais ça soulève aussi certains problèmes. Un de ces problèmes, majeur à mes yeux, c’est qu’un terroriste ne peut pas être à la fois un mercenaire et un idéaliste. Les terroristes tuent pour une cause ou ils tuent pour l’argent. Ils ne circulent pas à travers le monde à la fois grassement payés et dévorés par une quête de liberté. Roman se bat pour la mémoire de son père mort en affrontant le communisme en Roumanie. Or la quête de «liberté» de l’Est européen et la quête de «liberté» québécoise ne sont pas des quêtes assimilables. L’une concerne une question identitaire, l’autre concerne la démocratie. La liberté n’a pas un sens univoque.

L’autre problème, c’est l’extrême délicatesse de la question de la violence politique. Dany Leclair affirme ne pas cautionner les actions violentes de ses personnages, et je le crois sans hésitation. Le roman se termine tout de même sur l’idée que la lutte se poursuit au nom «des opprimés de la terre». Ça laisse un certain arrière-goût dérangeant de «Hasta la victoria siempre» qui n’a strictement rien de métaphorique.

Je le réitère, il fallait du beau culot pour écrire un tel livre dans une époque où le politique semble la dernière préoccupation de bien des gens et de bien des livres. Mais la politologue en moi croit tout de même qu'une politique fiction ne devrait pas se permettre de trop criantes invraisemblances.

Quand le terrorisme nous touche de près

Un petit village québécois comme tant d’autres, une galerie de personnages plus grands que nature, une tragédie qui ne saura dévier de sa course : Dany Leclair brosse avec ce premier roman, Le sang des colombes, un tableau en couleurs sombres mais lumineuses à la fois. Roman Maric, terroriste spécialiste en explosifs, est responsable des attentats récents qu’a connus la métropole, revendiqués par le MASQ (Mouvement anonyme pour la souveraineté du Québec). Entre deux contrats, il cherche refuge dans le morne Saint-Alexis. Afin de s’intégrer plus ou moins au tissu tricoté serré du village, il se lie d’amitié avec le peintre Gauthier, qui lui propose un emploi d’homme à tout faire chez la veuve Lemoyne. Il y fera la rencontre de deux sœurs rivales, Elsa et Nadja, qui voudraient bien toutes les deux convaincre le bel inconnu de s’installer définitivement dans la région.

Même si le sous-texte de ce roman ne peut qu’être teinté de violence, Leclair réussit à nous en détourner suffisamment longtemps pour que le lecteur établisse une belle complicité avec les personnages. Roman est profondément interpellé par l’art et la littérature; Gauthier tente de sublimer sa violence intérieure (et son alcoolisme) en une création artistique; Hubert, le maire du village, un esprit fin, se réfugie dans les livres et les échanges intellectuels avec Roman; Nadja, sous ses dehors raisonnables, ne peut complètement éteindre la flamme de la passion.

Même si j’ai été le plus souvent happée par cette courte histoire, j’ai aussi été agacée par quelques invraisemblances. Roman n’est pas terroriste par conviction mais vulgaire mercenaire. Si, à l’origine, sa soif de liberté s’abreuve aux injustices connues dans son pays d’origine (la Roumanie), il offre ni plus ni moins ses services aux cellules terroristes d’un peu partout. Autre visage du terrorisme, plus mercantile qu’intégriste? Peut-être. J’aurais aimé pouvoir plonger dans la dualité entre l’homme de terrain et l’être un peu éthéré qui se réfugie dans l’art. On ne comprend jamais tout à fait ce qui alimente cette violence presque gratuite qui l’anime. (On est loin ici des pages exceptionnelles sur le sujet de Yasmina Khadra.) Dans un autre registre, comment croire que la veuve Lemoyne ait pu nommer ses filles Elsa et Nadja, prénoms tout sauf « pure laine »? Comment accepter que des villageois si conservateurs aient pu élire un maire à l’homosexualité latente (puis admise)? Dans les passages sur l’art et la littérature, on sent le pédagogue, le combattant qui, tous les jours, doit tenter de séduire la jeunesse en habillant la littérature d’un vêtement attrayant, soulignant à grands traits les caractéristiques, les références (fort intéressantes au demeurant) et cela m’a semblé un peu surfait. De la même façon, le symbole (la toile qui donne son titre au livre) aurait eu avantage à être un peu mieux intégré à la trame narrative. Cette scène d’une violence inouïe m’a semblé plus motif plaqué qu’élément essentiel au dénouement de l’histoire.
Malgré ces réserves, j’ai été convaincue par le style de l’auteur, le sujet improbable qui pousse à la réflexion (et si, ici aussi, les terroristes sévissaient?), la maîtrise des descriptions, les strates des différents personnages. Je lirai sans doute avec curiosité le deuxième opus de l’auteur.

De trop près

Suite à l'attentat dans une école primaire de Montréal, Roman Maric, terroriste du MASQ (Mouvement anonyme pour la souveraineté du Québec) doit quitter Montréal et se faire oublier quelque temps. Sa fuite le conduira dans le petit village de Saint-Alexis. À l'hôtel où il s'arrête pour prendre une chambre, il se fait dire par la Rocheleau, propriétaire de l'hôtel, qu'il n'y a plus de chambre à louer. En fait, l'hôtel ne sert plus que de bar depuis que l'autoroute a fait dévier le trafic hors du village. Hippolyte Gauthier, présent dans le bar lors de cette conversation entre la Rocheleau et Roman, lui offre de l'héberger chez lui. Au fil des jours et des semaines, Roman sera adopté par les villageois et, lui-même, pour la première fois de sa vie aura l'impression de mener une vie normale.

Tout au long de ma lecture, j'avais l'impression d'être une voyeuse regardant vivre les habitants de Saint-Alexis avec une loupe grossissante. Voir d’aussi près les travers et les défauts des personnages me les a rendu antipathiques. Et que dire de toutes ces odeurs ; graisses, sueurs, urines, nourritures... Quoique si vous avez aimé Le Parfum de Süskind, vous aimerez peut-être ? Je préfère l’odeur du papier. Il y a des romans qu’on aime et d’autres pas, Le sang des Colombes n’a pas eu l’heur de me plaire. En fait, s’il y a des romans pour filles et d’autres pour gars, celui-ci est sans doute pour gars.

Du sang... faute de mieux

Une vague d’attentats terroristes balaie le Québec, semant la dévastation et la mort d’innocents. Un inconnu vient s’installer dans un petit village tranquille pour se faire oublier. Ce beau jeune homme aux allures chevaleresques cache un assassin, un terroriste se battant pour la liberté en faisant sauter des bombes... Le village est assoupi, l’étranger est intrigant. Il vient nourrir la curiosité des habitants, secouer les habitudes. On en oublie le danger…

Dany Leclair, sur des thèmes fort actuels, le terrorisme et la liberté, s’essaie à un pastiche du Survenant de Germaine Guèvremont. L’exercice est audacieux, mais le roman comporte certains défauts qui l’alourdissent. Des ingrédients manquent pour en faire une histoire prenante, qui aurait su nous faire réfléchir sur ces thèmes graves.

La narration, d’abord, n’arrive pas à plonger le lecteur véritablement dans l’histoire. La façon de raconter les évènements, généralement par rétroaction, finit par lasser. Les sentiments des personnages, leurs motivations profondes, sont décrits superficiellement, globalement. On en arrive à se faire des portraits fragmentaires des protagonistes qui, forcément, manquent de consistance. Ces descriptions en raccourci constellent le roman.

J’ai par ailleurs été agacée par les personnages secondaires, stéréotypés : l’artiste paumé, grossier et alcoolique, l’intellectuel policé, raffiné. Leur présence est prétexte à des réflexions banales sur l’art et son rôle dans la société ou encore sur la littérature, mais rien qui amène le lecteur très loin. Rien qui ne sorte des sentiers battus. Sans compter les deux sœurs rivales – un classique - dont l’aînée, pour une raison obscure, porte le prénom arabe Nadja, alors qu’elle est née sur une ferme au cœur d’un petit village rural du Québec!

Enfin, le principal reproche que je fais au roman de Leclair, c’est l’approche trop retenue de l’auteur pour aborder le thème qu’il ose traiter : le terrorisme. Le personnage central, Roman, est un terroriste sanguinaire, aux idées arrêtées. Il devrait être antipathique, mais son comportement, tout au long du roman, va à l’encontre de l’image que l’auteur s’acharne à créer. Cependant, on n’arrive pas non plus à s’attacher à lui, car il n’a aucune âme propre. Aucune chair. On n’arrive donc pas à comprendre les motivations intrinsèques de ce jeune terroriste globe-trotter. Même avec les références au passé du héros, à ses traumatismes d’enfance, le propos est toujours superficiel, on ne plonge jamais loin dans les réflexions ou le questionnement sur un thème qui aurait mérité un traitement plus senti, plus approfondi.

Quant au thème de la liberté, celui-ci est évoqué sous divers angles. C’est d’ailleurs ce qui est le plus réussi dans le roman, cette façon de montrer que la liberté peut être perçue différemment, qu’elle ne représente pas la même chose pour chacun. Tous les personnages du roman sont à sa recherche, à leur façon. C’est à mon sens la meilleure lumière sous laquelle aborder le texte.

Bien entendu, il s’agit d’un premier roman, l’effort est louable. L’idée d’ensemble n’était pas dénuée d’intérêt. Le résultat, pourtant, ne m’a pas convaincue.

Dany Leclair, Le sang des colombes. VLB éditeur, 187 pages.

À cheval entre les deux...

Crédible ou pas crédible. Un roman de science-fiction ou un avant-goût d’un futur Québec militant sauvagement pour la souveraineté ? Quelques détails qui agacent, des personnages parfois trop gros pour St-Alexis et quelques scènes prévisibles. Une intrigue qui tient le coup, même si parfois elle nous semble invraisemblable. Si Khadra peut faire exploser une femme pure et transparente dans « L’attentat », Leclair peut bien camoufler un truand dans la campagne québécoise… Les médias nous bombardent de malfrats aux allures d’ange, citoyens modèles et instruits de petits villages européens reculés qui fabriquent des bombes dans leur sous-sol, pourquoi pas ici ? L’idéologie du MASQ est extrémiste et violente, phénomène rarissime dans notre pays calme… Donc, plus difficile à avaler. Pour l’instant, cette histoire nous fait sourire en coin et l’auteur prend plaisir à nous pousser dans des zones très noires. Un livre qui se lit bien et avec intérêt si on fait abstraction de la « grosseur » de certains personnages et de certaines situations… Pas mal pour un premier tour de piste !

dimanche 14 octobre 2007

La cause avec un petit "c"

Il y a des livres qu'il faut laisser tomber de nos mains un certain temps avant d'essayer d'en parler. Je me félicite d'avoir lu « Le sang des colombes » suffisamment à l'avance pour me permettre cette période de macération.


J'ai commencé ce roman avec une attitude ouverte pour le bonheur avec en mémoire les derniers mots de la couverture « ... pour apprendre le bonheur ». En plus, les paisibles villages à l'écart des grandes routes, comme St-Alexis, me font toujours cet effet de détente. Je pénètre donc ce village, en même temps que Roman Maric. Ici, on ne s'emberlificote pas dans les fils du suspense, on connaît déjà son identité, c'est un terroriste de la plus pure espèce, de ceux qui se tiennent à des lieux de leur pays et de leurs émotions. Nous en sommes avertis, probablement que Dany Leclair a jugé qu'un lecteur averti en vaut deux - c'est pas bête, ça double le nombre de lecteurs ;-0 -

De le savoir à l'avance a tout de même retiré une part du mystère mais pas complètement, il restait un questionnement : va-t-il guérir ou non de son métier ? Est-ce que le plaisir apporté par le duo (duel) des soeurs vont l'amadouer au bonheur calme d'une vie sans reproches ?


Le terroriste en pause, Roman Maric dirait bien méritée, est hébergé par un artiste peintre que je ne suis pas arrivé à trouver sympathique. Je veux dire, sans même ce plaisir qu'on nous offre parfois de détester un personnage. Je le trouvais repoussant, point. Il me restait Hubert, le maire, un être vulnérable, presque une victime, tellement tous et chacun le berne. Il en faut toujours dans un roman !


Mais là, arrêtez-moi, j'aborde les personnages, ne touchant pas l'histoire et le style. L'histoire a été planifiée, il n'y a pas à dire. On sent de la maîtrise, on ne s'évade pas de l'artère principale, on la suit pas à pas. Comme c'est une histoire centrée sur un terroriste, j'aurais aimé sentir un peu plus la menace planée sur le village. De ne pas sentir de peur m'a manqué. Maric, comme toute bonne visite se plie aux convenances, ce qui donne en bout de ligne, un terroriste pacifiste à St-Alexis. Remarquez, c'est peut-être personnel mais j'ai éprouvé une importante difficulté à l'imaginer prêt à tuer des milliers de personnes au nom de la liberté. Je ne l'ai pas suffisamment senti vibrer pour cette cause apparemment léguée par son père. Va sans dire que croire à la cause d'un terroriste est capitale, sinon il se transforme en un vulgaire tueur à gages. Est-ce moi, mais le principe de la sacro-sainte « Liberté » ne me fait pas frémir, juste à sa mention, et d'autant plus que, ne l'oublions pas, qu'il s'agit ici de l'oppression du peuple québécois ! Par la bouche du terroriste, elle se comparerait à celle de tous les peuples opprimés de la terre ! À partir de là, une grande difficulté de ma part à donner de la crédibilité à cette cause.


Le style a un côté très explicatif, presque justificatif. L'histoire, solide malgré ma difficulté à croire à cette Cause avec son grand C, gagnerait en force si on justifiait moins et affirmait plus. Aérer la ligne, qu'on ait de l'espace pour imaginer un peu par l'entre-ligne. J'ai eu l'impression que l'auteur désire démontrer qu'il a pensé à tout. Que ça se tient. Un style plus imagé aurait mieux servi la trame de fond, son lot de mystères et sa galerie riche en personnages tels la mère, les soeurs, la tenancière, le « personnage » des villageois.


Cette histoire avec ses surprenants relents de morbidité se termine sur une fin frappante. C'est le moins que l'on puisse dire sans dévoiler un punch.


En bout de ligne, un livre qui ne laisse pas indifférent et j'ose rajouter ceci : je serai très curieuse d'entendre un lecteur masculin ...


lundi 1 octobre 2007

La Recrue du mois de novembre : Christine Eddie - Les carnets de Douglas

Née en France, Christine Eddie a grandi en Acadie avant de se poser au Québec. Elle a signé de nombreux articles, publié quelques nouvelles, reçu deux prix littéraires (Prix Arcade au féminin et Concours de nouvelles XYZ) et écrit un livre pour la jeunesse, La croisade de Cristale Carton (Hurtubise HMH, 2002). Les carnets de Douglas est son premier roman.



Quatrième de couverture : Le même jour, deux adolescents parviennent à fuir un destin qui les aurait emmurés. Ils se trouvent, deux ans plus tard, à Rivière-aux-Oies, un village beaucoup trop discret pour figurer sur une carte. Au cœur de la nature généreuse et sauvage, ils s’aiment, à l’abri des rugissements du vingtième siècle. Jusqu’à ce que la vie, comme d’habitude, fasse des siennes.

Les années passent, Rivière-aux-Oies se métamorphose avec, en arrière-plan, une révolution à peine tranquille et le saccage des bétonnières. Une famille singulière s’improvise, malgré les ragots et en dépit des blessures. Dans la maison du docteur, les liens se tissent avec tendresse. Un médecin au cœur rafistolé, une institutrice au nom imprononçable et une enfant surgie des bois vont peut-être permettre à Douglas d’entendre enfin la réponse du vent.

Une passion comme au cinéma, qui se déploie à l’ombre d’un arbre, d’une clarinette et de la beauté fragile du monde.

Source :
Les Éditions Alto
Premier chapitre en format PDF (156 ko)