mardi 20 mai 2008

La recrue du mois de juin: Katia Belkhodja, La peau des doigts.

« Ma grand-mère attendait dans le métro de Montréal comme elle devait avoir attendu dans le métro de Paris quand il lui avait donné rendez-vous, là-bas. Ma grand-mère sait que tous les métros du monde sont les mêmes, musique animale, rugissement d’entrailles. Les grandes villes accouchent à chaque station d’une multitude grouillante. »

Il est des romans qui nous laissent l’âme un peu triste. La peau des doigts est de ceux-là. Les personnages qui y circulent sont comme des nomades égarés. Ils courent après des rendez-vous ratés. C’est le cas de la grand-mère Celia, qui a attendu toute sa vie l’arrivée de son amant, lequel n’est jamais venu. Voyez les jumeaux : Gan est autiste, Fril est peintre. Ces deux-là errent dans les villes. Ils sont absents et intenses à la fois. Avec la narratrice, ils sont à la recherche de Marguerite Yourcenar. Ils la croient à Paris, à l’Académie où elle n’est pas, pas plus qu’au Père-Lachaise, elle qui a été enterrée dans le Maine, aux États-Unis. Et puis, il y a Celia, la nièce de la grand-mère, qui se meurt de la mort de sa mère. Inconsolable, elle fait des crêpes pour oublier. Elle se brûle la peau des doigts en les retournant…

Mais toute cette tristesse n’empêche pas l’humour de poindre à chaque page. Et la poésie aussi, parce que ce roman est un poème à la peau, à toutes les peaux, celle des Kabyles, car la grand-mère vient d’Algérie, autant que la peau des jumeaux. Aimer, c’est caresser, c’est manger des lèvres, c’est s’habiller de la peau de l’être aimé et c’est souffrir de sa présence trop intense tout autant que de son insupportable absence.

Aimer, c’est lire La peau des doigts, un roman écrit par une jeune auteure de vingt et un ans, née en Algérie, et qui nous fait voyager dans les mots, dans les villes, dans les rêves…

Réf.:
La peau des doigts, XYZ Éditeur, 2008, 102 pages.
ISBN: 978-2-89261-501-2

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