lundi 21 avril 2008

Entrevue virtuelle avec Annie L’Italien, auteur de Petit guide pour orgueilleuse (légèrement) repentante paru chez Québec/Amérique

Nous aurions aimé rencontrer Annie L’Italien lors du Salon international du Livre de Québec, mais l’auteur n’y participait pas. Elle a cependant accepté de répondre aux questions de La Recrue du mois par écrit. Voici notre « entretien ».

La Recrue : Comment vous êtes-vous mise à l’écriture?

Annie L’Italien : Je suis un peu tombée dedans quand j’étais petite. Ça a toujours été un plaisir d’écrire, ce n’est pas pour rien que je me suis dirigée vers les communications. Mais l’écriture dans-le-but-d’en-faire-un-roman, c’est relativement récent. Quelques unes de mes copines qui aimaient lire mes courriels me répétaient que je devrais écrire un roman, alors je leur en ai écrit un! Les amies d’Anne, le personnage principal de mon roman, sont justement basées sur ces copines parce que j’avais envie qu’elles se reconnaissent là-dedans. Entre un manuscrit envoyé aux amies et un manuscrit envoyé à des éditeurs, il n’y avait qu’un petit (hum) pas à franchir.


L. R. : Avez-vous rencontré des difficultés dans votre démarche d’édition?

A. L’I. : Je pense que j’ai été chanceuse, ça a été relativement simple. J’ai envoyé mon manuscrit à 3 maisons d’édition, et Québec Amérique a dit oui ! J’étais assez hystérique merci. Le processus de publication n’a pas été trop douloureux non plus, j’ai travaillé avec mon éditrice pour peaufiner le texte, entre autres pour s’assurer qu’il ne restait plus d’inside jokes écrites pour les copines et que le lecteur moyen ne pourrait sans doute pas saisir. J’avoue que j’étais assez étonnée que ce ne soit pas plus compliqué que ça, et surtout étonnée que mon bouquin soit effectivement publié. J’avais comme une peur latente de recevoir un coup de fil du genre « finalement, on a changé d’avis, on ne publiera pas votre roman, meilleure chance la prochaine fois ». Mais ça n’est pas arrivé, ouf.

L. R. : Que pensez-vous de l’affirmation qui veut que l’écriture, ce soit 10% de talent et 90% de transpiration?

A. L’I. : Hum… pas tout à fait d’accord. Je dirais 25% de talent, 25% d’inspiration, et 50% de transpiration.

L. R. : On parle de plus en plus de « chik litt », cette littérature écrite par des jeunes femmes trentenaires qui écrivent pour les jeunes femmes. Vous associez-vous à cette littérature?

A. L’I . : Absolument ! Quand j’ai commencé à écrire mon roman, il n’y en avait que très peu sur le marché, et la plupart venaient d’Angleterre. Quelques années plus tard, c’était la folie ! J’ai failli laisser tomber, je n’étais pas certaine de vouloir suivre la vague et exploiter un filon déjà très couru. Mais en même temps, c’était vraiment ce type d’histoire que j’avais envie d’écrire et qui correspondait le mieux à mon style d’écriture. Je me suis aussi raisonnée en me disant que la chik litt était en voie de devenir un genre en soi, au même titre que le roman policier, et qu’on n’a jamais trop de romans policiers sur le marché ☺.

L. R. : Que pensez-vous de la littérature québécoise? Pensez-vous qu’elle a le rayonnement qu’elle mérite?

A. L’I. : Sans doute pas. Je ne connais pas suffisamment l’industrie pour me permettre de commenter, mais j’entends souvent parler de la « localité » de nos œuvres, et je n’y crois pas. Oui il y a des références culturelles particulières qui risquent de ne pas être saisies par tous les lecteurs, mais c’est comme ça qu’on apprend à découvrir le monde ! Ce n’est pas parce que je n’habite pas à Paris que je ne peux pas apprécier Daniel Pennac.

L. R. : Avez-vous d’autres projets d’écriture actuellement? Si oui, sont-ils dans la même lignée que votre « Petit guide »?

A. L’I. : Oui, non, peut-être… Je suis en grande réflexion sur le sujet ! On me demande beaucoup s’il y aura une suite au Petit guide, et c’est une possibilité. Mais j’ai quelques autres idées en tête aussi. Il faut juste que je trouve le temps !

L. R. : Auriez-vous un conseil pour un jeune auteur qui travaille à faire publier un roman?

A. L’I. : Avant tout suivre son instinct, ne pas écouter ses doutes et croire que ça peut arriver. Je sais, ça fait wouwou comme réponse, mais je le crois vraiment ! Si je m’étais arrêtée pour réfléchir au moment d’envoyer mon manuscrit, je serais peut-être encore en train de me demander si je devrais le faire ou non. À un moment il faut juste lâcher prise et faire le saut. Et ensuite croiser les doigts très fort ☺.

L. R. : Merci du temps que vous nous avez accordé et bonne chance dans la poursuite de vos projets!

dimanche 20 avril 2008

La Recrue du mois de mai: Annie L'Italien, Petit guide pour orgueilleuse (légèrement) repentante.

Depuis quelques années déjà, Anne semble s'être installée dans un joyeux célibat. Toutefois, malgré une vie bien chargée, partagée entre le boulot qui prend trop de place, les séances de magasinage thérapeutique et les 5 à 7 avec ses précieuses copines, cette jeune trentenaire n'a pas complètement écarté l'idée de rencontrer un homme pour qui elle acceptera de perdre un peu de sa liberté. Mais l'homme en question se fait attendre. Ses quatre amies ont d'ailleurs diagnostiqué qu'il s'agissait là d'une conséquence directe de son excès d'orgueil, ce défaut qui l'aurait trop souvent empêchée d'oser/rigoler/pleurer/ chanter/vivre pleinement : pour son anniversaire, elles lui offrent donc une étonnante chasse au trésor qui l'amènera à sortir de sa zone de confort et, par la même occasion, à rencontrer un homme potentiellement intéressant. Un événement à la fois espéré et terriblement appréhendé par cette célibataire (pas tout à fait) endurcie. Osera-t-elle risquer le ridicule et s'ouvrir à l'inconnu ?

Réf.: Petite guide pour orgueilleuse (légèrement) repentante, Annie L'Italien.
Editions Québec Amérique, 2008, 184 pages.
ISBN: 978-2-7644-0599-4

samedi 19 avril 2008

Encore une bonne nouvelle pour une "Recrue"

Voici un extrait du billet annonçant la candidature de Les carnets de Douglas de Christine Eddie pour le Prix littéraire France-Québec 2008. Madame Eddie était notre recrue du mois de novembre 2007 et nous lui souhaitons de remporter ce prix!

Paris, le 18 mars 2008. – Le jury et les comités de lecture du Prix littéraire France-Québec, parrainé pour la troisième année consécutive par M. Patrick Poivre d’Arvor, se sont réunis samedi dernier pour désigner les finalistes du prix 2008. Leur choix s’est porté sur les ouvrages suivants : La sœur de Judith de Lise Tremblay (Boréal), Les carnets de Douglas de Christine Eddie (Alto) et Vous êtes ici de François Gravel (Québec-Amérique).Le jury – composé de trois auteurs : Pierrette Fleutiaux, Pierre Leroux et Carole Zalberg et de Sylvain Neault, directeur de la Librairie du Québec à Paris – ainsi que de cinq comités de lecture représentant les régionales de l’association France-Québec, ont désigné ces trois romans à partir d’une présélection de sept ouvrages, faite en décembre dernier: Les carnets de Douglas, Christine Eddie (Alto), Ce n'est pas une façon de dire adieu, Stéfani Meunier (Boréal), La soeur de Judith, Lise Tremblay (Boréal), C’est quand le bonheur, Martine Delvaux (Héliotrope), Jardin sablier, Michèle Plomer (Marchand de feuilles), Les jambes de Steffi Graff, Pierre Cayouette (Québec-Amérique), Vous êtes ici, François Gravel (Québec-Amérique).

Les carnets de Douglas de Christine Eddie (Alto) met en scène une passion comme au cinéma qui se déploie à l'ombre d'un arbre, d'une clarinette, d'une nature généreuse et sauvage. Des personnages singuliers, écorchés que la vie se chargera de métamorphoser.

Le « Prix littéraire France-Québec », est né en 1998 de la volonté des membres de l’association France-Québec de faire découvrir et redécouvrir la littérature québécoise. Luttant contre une méconnaissance importante de cette littérature en France, le Prix littéraire France-Québec propose chaque année au lauréat d’aller à la rencontre des lecteurs français dans le cadre d’une tournée littéraire. Il a en outre reçu l’appui de Jean D’Ormesson, de l’Académie française, pour son édition 2005.Les lecteurs de l’association France-Québec auront donc jusqu’en octobre prochain pour lire ces romans, participer au vote et désigner le Lauréat 2008.

mardi 15 avril 2008

Le sprint de Karine pour terminer à temps !

Je me permets une petite entorse sympathique pour vous diriger vers le Coin lecture de Karine. Elle s'est donnée la peine de terminer "Vandal love ou perdus en amérique" pour le 15 (c'était le sprint à la fin !), je vous invite à aller lire son commentaire ici.

Géant arbre généalogique

Voici mon commentaire de lectrice, à chaud. Très chaud même puisque je termine à l’instant (le 15 !) la dernière page de l’épilogue.

Il y a tant dans ce roman qu’il est difficile de savoir par où commencer. Il y a ses personnages assez torturés, à la recherche d’un paradis perdu. Ils sont plusieurs, géants ou petits et ont un arbre en commun, un généalogique à branches épaisses. Ces personnages sont tous placés sur une route et même quand ils avancent, ils ont l’impression de reculer. Pris de la bougeotte, ils nous envoient une impression de fuite, se fuir.

Sur la couverture, il y a d’immenses bottillons à coté de petits souliers, je pensais que c’était l’allusion au gigantisme mais c’est aussi, le parent qui prend soin de son petit. Toujours un seul et unique enfant. On prend la fuite avec son petit sous son aile, surtout des pères à la fibre maternelle, mais il y a une mère aussi.

Cela vous semble un peu confus ce que j’en dis ? Pourtant, l’histoire ne l’est pas, l’auteur reste en contrôle malgré un désir furibond de tout raconter dans un premier roman. C’est en lisant « Les Remerciements » que j’ai eu la confirmation que cet auteur est un conteur inné, tissé à même la fibre des grands brodeurs. Le grand sac de sa mémoire déborde de mille et une anecdotes qu’il brode par petits points, son fil se faufilant rapidement pour faire apparaître les branches du géant arbre généalogique.

L’état d’esprit est important pour apprécier ces histoires où les personnages s’évanouissent aussi vite qu’ils naissent sur les routes de la vie. Une attitude de précarité où l’on s’assoit sur le bord de l’histoire toujours prêt à détacher l’amarre de ses éphémères personnages.

Et le style ? Parlons-en du style ! Foisonnant, fourni, fluide, l'imaginaire déborde d’une gigantesque corne d’abondance.

Avec ce roman, vous avez pour vous désennuyer d’une seule vie, la vôtre, plusieurs histoires pour le prix d’une et toutes signées « perdus en Amérique ». Malgré, parfois, une sensation de trop-plein, certains deuils de personnages que j’ai mal vécus et un canevas d’histoire surexploité, j’ai apprécié ma lecture. À mon corps défendant, j’ai été engloutie.

Déroutes humaines

Vandal Love ou Perdus en Amérique raconte l’histoire des descendants d’une même famille originaire du Québec mais dispersée à travers l’Amérique. Ceux-ci se divisent en deux branches: celle des géants et celle des nains. Différents sur le plan de leurs aspirations, mais réunis dans leur quête qui les lance, inexorablement, sur les routes du Canada et des États-Unis.

Beaucoup de bruit a entouré la parution de ce roman, traduit de l’anglais mais écrit par un auteur québécois d’origine, D.Y. Béchard. Celui-ci, un peu à l’image des personnages qu’il met en scène, a été élevé entre l’Ouest canadien et les États-Unis. Son livre lui a d’ailleurs mérité le Commonwealth Writer’s Prize 2007 du premier roman. Danièle Laurin a même parlé d’un «roman fulgurant». De quoi créer quelques attentes… Et les attentes, ce n’est pas toujours bon, comme je l’ai déjà mentionné.

J’en avais donc quelques unes. Pas trop. J’ai appris. Mais juste assez pour être vraiment surprise. Car à la lecture des premières dizaines de pages, je me suis demandé si je lisais bien le même roman dont j’avais lu tant de bien.

En fait, j’ai trouvé la première partie du livre assez pénible. Les descriptions sont parfois détaillées de façon presque maniaque. Les retours en arrière sont nombreux et souvent difficiles à suivre. Le passage d’un personnage à un autre n’est pas toujours évident non plus, ce qui fait qu’on perd le plaisir de lire, constamment agacé par divers détails de narration et de structure.

Un autre facteur qui ne m’a pas aidée à plonger dans le récit est l’invraisemblance des personnages. Certains ont parlé de «personnages plus haut que nature». Eh bien, moi, je les ai surtout trouvé étriqués et sans âme. Du moins, jusqu’à la moitié du livre.

Car le roman balance ensuite vers l’histoire de la branche des nains qui, au lieu de vivre leur errance et leur quête à travers la violence des poings et l’alcool, se tournent plutôt vers un questionnement existentiel sur le sens de la vie.

Naturellement, mes goûts et ma personnalité m’ont fait pencher pour les nains. Mais quelque chose change également dans l’écriture à ce moment du récit. Comme si, soudainement, les défauts évoqués plus haut s’estompaient pour laisser place à une maîtrise plus évidente de la narration, des descriptions. Ainsi, on sent le souffle de l’écrivain.

Vandal Love, c’est donc pour moi deux romans dans un. Malgré un effort à la fin pour réunir, symboliquement, les deux branches familiales, la séparation reste. Ainsi, c’est moi qui me suis perdue, au fil des lignes de Vandal Love ou Perdus en Amérique, entre les routes divergentes de ces déroutes humaines.

Tisser des liens

Premier roman largement médiatisé, Vandal Love ou Perdus en Amérique se veut un récit multigénérationnel. (En passant, pourquoi la traduction française tient-elle à apporter des précisions au titre original?) Avant d’amorcer la lecture du livre, je craignais un peu les pièges inhérent à un tel genre. Réussirais-je à m’attacher à cette famille aux multiples ramifications qui finirait par se disperser sur un continent entier? Voudrais-je suffisamment m’investir dans cette histoire? Quand je me suis décidée à plonger, pourtant, j’ai été happée presque dès les premières lignes : « Les épreuves lui avaient façonné un visage inégal, anguleux comme une vieille pomme qui aurait été comprimée par les autres dans une caisse. Il n’avait jamais fermé les yeux pour songer à ce qui n’était pas visible. » Très rapidement, j’ai cru à cette famille improbable où se côtoient indifféremment géants et nains, où un Jude à la force brute se laisse toucher par la tendresse de sa jumelle Isa-Marie, où le silence est aussi prégnant que les gestes, où les paysages (magnifiquement dépeints) défilent, transcendés par la force morale des personnages. J’ai eu l’impression tenace d’être plongée dans une histoire à la John Irving, avec ses héros plus grands que nature, déchirés par le doute dès leurs premiers instants de vie mais sans les longueurs un peu démesurées parfois associés au style de l’auteur américain.

J’ai lu les deux tiers du roman en un week-end et les destins des Jude, Isa, Barthélémy, François, Harvey, continuaient de m’habiter. J’étais prête à classer le livre dans mes « coups de cœur » récents sans hésiter. Quand, quelques jours plus tard, j’ai poursuivi la lecture du roman, j’ai alors senti une cassure de ton qui, au début, m’a déstabilisée, puis vaguement énervée. Cette quête initiatique, presque chamanique, d’Harvey (devenu Sat Puja), je l’ai trouvée légèrement trop appuyée. Bien sûr, depuis le début de son roman, l’auteur tendait des fils ici et là qui indiquaient bien la profondeur à laquelle tous aspiraient, directement ou indirectement. Cette redécouverte du soi, de l’autre, de soi à travers l’autre, les lieux, est au cœur même du propos. Béchard pose un regard cinglant sur le monde des gourous qui ont peu à peu pris possession des âmes ayant perdu les repères de la religion, veut faire réfléchir mais j’ai trouvé que le trait était devenu trop accentué, comme si l’auteur sortait son surligneur pour rehausser son récit. Le rythme plutôt trépidant auquel il nous avait abstenu depuis le début devient alors languissant et j’admets avoir trouvé certaines de ces pages longuettes. Et puis, en véritable deus ex machina (inutile de lui résister ici!), il clôt la saga de façon magistrale. Enfin, les liens s’affirment, se resserrent, démontrent leur solidité. La boucle est bouclée mais reste curieusement, délicieusement, ouverte.

Ces quelques réserves de ma part demeurent relativement minimes. Dans ce premier roman, Béchard a réussi à démontrer un contrôle remarquable de la narration et du style (chapeau ici à la traductrice qui a bien su rendre les divers niveaux de langage). J’attends le suivant avec plaisir.

Mention spéciale: originalité et créativité!

Au début de ma lecture ce livre m’a laissée perplexe, mais après une cinquantaine de page j’ai adhéré à cet univers où se rejoignent réalisme historique et allégories éclatées. Tout dans ce livre verse dans l’excès, à la hauteur des personnages qu’il met en scène. La langue est juste et puissante. Les images sont percutantes. C’est une grande fable sur l’attachement et la quête identitaire. J’ai été assez troublée par ces personnages qui perdent constamment leurs repères comme s’il leur était impossible de se construire un cocon familial où ils seraient confortables. Une belle mention pour l’originalité et la créativité : il me semble que ce Vandal Love ne ressemble à rien !

Il m’a tout de même semblé que certaines longueurs rendent le récit un peu lourd, particulièrement dans le Livre premier. Il faut dire que j’ai nettement préféré le Second livre dont le regard ironique sur les quêtes spirituelles traversant tout le siècle m’a semblé particulièrement juste et pertinent. J’ajouterais que les 40 dernières pages du livre sont les meilleures et valent à elles seules le déplacement !

En tous les cas, voilà un auteur à surveiller de près!

Totalement perdue...

Un titre bien choisi pour un livre ou la destruction est au rendez-vous! Chacun essaie de semer un grain d’amour sans vraiment le mener à sa pleine croissance. Les solutions résident entre l’alcool et le culte, accompagnés d’une fuite au Sud ou au Nord. Quelqu’un a écrit : « Quand tu ne sais pas où tu vas, arrête-toi et regarde d’où tu viens. »* Mais que peut-on faire lorsqu’on ne sait précisément pas d’où on vient ?! C’est cette similitude qui rejoint tous ces personnages, chacun fuyant vers l’arrière en quête d’une réponse si minime qu’elle soit.

J’ai lu cet ouvrage en version originale anglaise, à mon grand désavantage. Les mots y sont très recherchés et pour éviter un aller-retour constant entre le dictionnaire et le livre, j’ai trop souvent accepté mon incompréhension des termes. Cette erreur ne me permet pas d’apprécier l’essence du roman ou ses subtilités. A plusieurs occasions, j’ai été confuse entre les personnages et les liens qui tissent leur toile familiale.

L’idée de départ de ce roman est originale, mais pas assez exploitée à mon goût. Je ne peux malheureusement pas dire que j’ai été séduite par ce roman ou encore attachée à ces femmes et ces hommes pour qui la vie contient bien des mystères…


* Les yeux jaunes des crocodiles, Katherine Pancol, p.91

« Etre perdu en Amérique était une sorte de tradition. »

« Bizarrement, être perdu en Amérique était une sorte de tradition, c'était bien vu. Ca remontait à loin, c'était même vénérable, et il éprouvait de la fierté juste à penser à l'histoire familiale. » (p.306)


Voici un livre dont j'ai énormément de mal à vous parler... Je crois que cela tient principalement du fait que j'ai l'impression d'avoir manqué un rendez-vous. Car bien que ce livre soit remarquable en plusieurs points, je n'ai pas été emballée plus que cela.

Pourquoi ce livre est remarquable ? De par son style et sa construction. L'écriture est sure, le style est imagé. « La neige avait recommencé à tomber, à fouetter les gratte-ciel, à envelopper la ville de son silence, à tranformer les rues humides en patinoire. » (p.165) Et la construction est maîtrisée : il y a ces deux livres, reprenant chacun l'histoire d'une des lignées de cette famille, depuis le début du 20ème siècle (à peu près) jusqu'à nos jours, avec dans les dernières pages de ce roman, un épilogue. Cette construction permet d'avoir une vision bien distincte du devenir de chaque lignée, avec cet épilogue qui permet de voir où chaque lignée aboutit dans ces dernières pages. Ce mot aboutir n'est pas tout à fait juste puisqu'il finit sur le nouveau départ du descendant de chaque lignée. En espérant qu'ils arrivent - enfin - à trouver leur place...

Mais voilà... malgré cela, il m'a manqué un petit quelque chose... Impossible de mettre le doigt dessus. Pour le moment. Mais peut-être que les autres chroniqueurs de la Recrue m'aideront à trouver une piste !

Un extrait...
« Parfois, dit-il, je pense que je lis juste pour voir ce qui peut advenir de quelqu'un. Je ne comprends probablement pas vraiment ce que je lis. J'essaie juste de voir ce que ça veut dire pour moi. Probable que je devrai relire tout ça quand j'aurai compris autre chose. » (p.110)

samedi 5 avril 2008

Dans le journal Le libraire

D. Y. Béchard: Ni tout à fait chez soi ni tout à fait ailleurs

Par Rémy Charest, Journal le libraire

Pas étonnant qu’il ait fallu une bonne dizaine d’années à D. Y. Béchard (Deni Yvan, pour les intimes) pour venir à bout de Vandal Love ou Perdus en Amérique, une saisissante épopée continentale et identitaire accueillie à sa parution en anglais par le Commonwealth Writers’ Prize du meilleur premier roman, dans la foulée d’un défilé d’éloges critiques!

D’une rare envergure, le livre de Béchard, francophone d’Amérique, raconte l’histoire des descendants d’un rude patriarche gaspésien, Hervé Hervé. Une descendance divisée physiquement en deux clans: les géants comme Jude, véritable force de la nature, né avec un physique de boxeur et une mentalité de terrien, et les avortons, comme la jumelle de Jude, Isa-Marie, née dans les bras de son frère et portée dès sa jeunesse vers les choses de l’esprit et les questions existentielles.La descendance d’Hervé Hervé se retrouve bientôt à la dérive sur le continent américain, Jude en devenant boxeur sous le nom de Jude White, puis sa fille Isa en tentant de faire le lien entre son présent américain et ses origines québécoises, et plusieurs autres encore, se fondant tour à tour parmi les communautés noire, mexicaine ou louisianaise, également aux prises avec des questions identitaires complexes, et faisant même un détour par un ashram bouddhiste.

Perdu en Amérique

Un roman qui prend ainsi la mesure d’un continent, le traverse par une multitude de personnages qui se passent la narration comme dans une véritable course à relais littéraire, et parle pourtant d’une voix aussi claire et décidée, ça ne s’écrit pas en six mois sur le coin d’une table. Pour Béchard, qui vit pour le moment à Boston, donnant des cours particuliers de littérature qui le font vivre en lui laissant le temps d’écrire, il aura fallu plusieurs coins de table, au fil d’un mode de vie qui tient presque du nomadisme. En effet, si ses origines familiales sont en Gaspésie, son enfance s’est déroulée — entre autres — entre le Maine, Boston, la Virginie et la Colombie-Britannique — et un peu à Rimouski, chez ses grands-parents.

À l’adolescence, le jeune Deni se rendit compte que son père, ce conteur et bonimenteur chaleureux, était aussi un criminel, auteur notamment de vols à main armée: «Mon père préférait faire les choses à sa façon, même si ce n’était pas la bonne façon. Quand j’avais 15 ans, j’ai vu qu’il était fou, dangereux, qu’il allait s’autodétruire. Il m’a mis dehors, finalement. C’était le moment de m’affirmer…», se remémore-t-il. Le père aurait voulu le voir suivre ses traces, mais le fils avait depuis toujours le désir d’écrire et de trouver sa propre voie. D’où une rupture salutaire, même si elle a été douloureuse: «Il y a pire. Je suis très content de mon enfance. Nos blessures nous donnent du pouvoir», explique Béchard avec conviction.

Une mythologie de l’identité

Ancré au Québec tout en se sentant plus franco-américain, Béchard a tiré de ce parcours atypique un point de vue fort particulier sur ses origines familiales, alimenté par un père parti en mauvais termes avec son coin de pays, qu’il décrivait de façon terrible: «Quand j’étais jeune, j’entendais des histoires du Québec, décrit comme un pays pauvre, violent, raconte l’auteur. J’avais l’image d’un peuple très sévère, très dur, de mes grands-parents comme des gens forts, illettrés, travaillant aux champs. C’est une mythologie, tout ça.» L’image des géants et des avortons, explique-t-il, tient d’un même phénomène d’amplification, un peu comme si les villageois se remémoraient la famille Hervé par la lentille déformante du temps et de l’éloignement. Avec des sentiments équivoques envers ceux qui sont partis.Parler de réalisme magique serait peut-être excessif, mais Béchard imprime bel et bien un souffle et une ampleur exceptionnels à son écriture et à ses récits. Avec, en prime, la capacité de bien terminer la course effrénée des personnages par une forme d’apaisement, un moment, tout au moins, où l’on peut fermer les yeux et trouver le repos. Un parcours déroutant, fou et affectueux, rude et touchant.

En traitant de cet éloignement qui est le sien autant que celui de ses personnages, Béchard s’est retrouvé très clairement dans une vaste quête identitaire: «Il y a des lieux français partout en Amérique. Je voulais chercher à réunir toutes ces histoires perdues, à voir comment tout ça se tisse ensemble, de façon très fragile.» Les personnages de Vandal Love sont donc aux prises avec une recherche de soi et d’ailleurs qui se vit à toutes sortes d’échelles, du très personnel à la rencontre des cultures de notre continent: «Ils ont tous le rêve d’un endroit meilleur. Le Québec, les États-Unis, l’illumination, le fait d’être un vrai homme. Mais le rêve tue la réalité. Ils ne sont jamais contents.»

Perdus et retrouvés

En deux récits successifs et forcément apparentés, Vandal Love représente une traversée de l’Amérique vue par des prismes multiples: celui de la famille Hervé, ceux du territoire — de la Gaspésie à la Nouvelle-Orléans, du New Jersey au Nouveau-Mexique —, et ceux de la culture — française, anglaise, canadienne, américaine, mais aussi noire et hispanique. L’effet cumulatif est naturellement plutôt kaléidoscopique, comme une conversation à plusieurs voix, constamment interrompue et relancée. Les voix d’une Amérique française dispersée, voire diluée dans tous les recoins du continent, une descendance française qui a du mal à trouver la place qui lui convient, qui lui revient.

Et après?

S’il laisse de côté la saga familiale, le prochain roman de D. Y. Béchard sera toujours consacré à des hommes et des femmes partis à la recherche d’un avenir meilleur — et revenus déçus et meurtris par l’échec de leur rêve: les membres de la brigade Mackenzie-Papineau, volontaires partis à la rescousse de l’Espagne républicaine, en 1936, lors de la guerre civile que devait bientôt remporter Franco: «C’étaient des gens de partout qui étaient partis ensemble. Des hommes et des femmes, des francophones et des anglophones, qui ont été trahis par les Républicains, par les communistes.» Bref, le territoire du romancier demeure au Québec et au Canada, avec un grand voyage qui se fond avec la recherche d’un idéal. «Ils étaient prêts à mourir pour la cause, précise D. Y. Béchard. Ils croyaient vraiment qu’ils pouvaient changer l’avenir. Aujourd’hui, on est plus figés. Nos remises en question sont plus légères.» Un peu comme s’ils étaient des géants. Et nous, les avortons.

mardi 1 avril 2008

Dans le Voir...

La dérive du continent
Par Tristan Malavoy-Racine

Vandal Love ou Perdus en Amérique nous arrive précédé d'une forte rumeur, née en bonne partie de l'attribution à son auteur, D. Y. Béchard, du convoité Commonwealth Writers' Prize 2007 du premier roman. Le jeune écrivain nous parle de la genèse de ce coup d'envoi spectaculaire.
"Il lui aura fallu près de huit ans d'écriture et de pérégrinations pour donner vie à cet étonnant premier roman", peut-on lire sur la quatrième de couverture de Vandal Love ou Perdus en Amérique. En discutant avec le principal intéressé, on se dit qu'il aura même fallu 33 ans, les 33 ans qu'a au compteur D. Y. Béchard, né d'un père gaspésien et d'une mère états-unienne, pour accoucher d'un texte aussi mûr, qui n'aurait pas été possible sans un parcours de vie aussi riche que le sien, et qui pourtant appartient d'abord à la fiction, à la Littérature avec un grand L.

Celui qui a vécu, "entre autres", précise-t-il, en Colombie-Britannique, au Vermont, au Nouveau-Mexique, en Louisiane, mais aussi à Montréal, Québec, Rimouski, Toronto, New York et Londres, est conscient de la place qu'occupe dans son imaginaire le déplacement, le déracinement. "Durant une longue période, je déménageais tous les six mois", se souvient-il. "Mon père touchait à tout, passait d'un boulot à l'autre. C'est quelqu'un qui a eu des problèmes, qui a fait de la prison, et ça s'est traduit par de nombreux déménagements. J'ai donc eu une jeunesse durant laquelle il était normal de se déplacer tout le temps, de s'habituer à de nouveaux lieux."

BELLE PROVINCE ?
Interrogé sur les sources initiales de Vandal Love, D. Y. Béchard n'hésite pas à remonter jusqu'à cette prime jeunesse. "Je me souviens de lointaines discussions avec mon père. Il me parlait du Québec, me disait à quel point c'était dur, là-bas, pauvre, et qu'il ne voulait pas y retourner."

Voilà à coup sûr l'un des éléments déclencheurs ayant mené à ce très accompli roman. Béchard, qui enseigne actuellement dans une université de Boston et aurait pu enraciner son histoire n'importe où en Amérique ou dans le monde, a placé le Québec au coeur de Vandal Love, plus précisément la Gaspésie, terre originelle, berceau fêlé d'une famille dysfonctionnelle, disloquée, celle du patriarche Hervé Hervé, qui engendre tantôt des géants, tantôt des nains, et qui demeurera le point d'ancrage pour les descendants de celui-ci, même ceux qui roulent leur bosse aux confins des États-Unis ou de l'Ouest canadien.

Mais attention, le Québec tel que perçu par ces personnages est un Québec essentiellement fabulé, fait de récits oraux, de souvenirs de jeunesse, et passé à la moulinette d'un jeune écrivain audacieux, qui a su insuffler une puissante symbolique à un récit déjà substantiel au premier degré. "Avant même de connaître le Québec, je m'en étais fait toute une petite mythologie, à moitié inventée, avec son climat, ses campagnes, ses habitants qui partaient vers le Sud pour se trouver un futur..."

C'est bien l'une des choses qui séduisent, dans ce livre: on sent l'odeur de la terre, la course des saisons; on voit la nature frémir sous la plume d'un romancier très attentif au réel, mais Béchard a par ailleurs l'intuition et le talent de brosser des êtres plus grands que nature, dans une matière qui serait à la frontière de la réalité et d'autre chose. "J'ai voulu, oui, qu'il y ait une part de magie dans ce récit, que ça touche parfois au conte de fées."

IL ETAIT UNE FOIS EN AMERIQUE
Qu'ils appartiennent à la branche des colosses ou des nabots, les héritiers d'Hervé Hervé ont des faiblesses communes, finissent par chercher derrière la ligne d'horizon de quoi combler le vide de leur existence. "L'histoire s'inspire beaucoup de récits que des gens m'ont faits, dans le Maine ou ailleurs, racontant l'implantation de leur famille dans le Nord-Est américain ou en Louisiane, par exemple, et ensuite l'envie de pèlerinage qui s'emparait souvent des descendants, qui souhaitaient retrouver la terre de leurs ancêtres."

Pour les personnages centraux de Vandal Love, qui portent tour à tour le récit - le relais d'un personnage principal à l'autre s'opérant avec une fluidité déconcertante, faut-il souligner, dans la grande tradition de la fresque romanesque américaine -, ces descendants, donc, vont vivre l'appel du berceau familial de façon désordonnée, à travers les brumes de leur conscience meurtrie, leurs vies n'étant que successions de désillusions et d'amours manquées, comme en écho à la brutalité qui régnait dans la maison d'Hervé Hervé. Pour Jude, petit-fils de ce dernier appartenant à la lignée familiale des géants, ou plus tard pour la fille de Jude, Isa, la fascination trouble pour les origines donnera lieu à une quête bouleversante, belle et triste à pleurer.

Mise en garde: le lecteur non plus ne sort pas tout à fait indemne de ce fascinant dédale existentiel et géographique.

Vandal Love ou Perdus en Amériquede D. Y. BéchardÉd. Québec Amérique, 2008, 344 p.
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VANDAL LOVE OU PERDUS EN AMERIQUE
En novembre dernier, Normand de Bellefeuille nous avait prévenu. L'écrivain et directeur littéraire aux Éditions Québec Amérique nous confiait en effet considérer ce "coup", pour reprendre le terme employé en référence à l'achat par la maison des droits de Vandal Love, comme "sa plus grande fierté de directeur littéraire depuis dix ans".

Nous avions donc la puce à l'oreille, et peu après la réception du roman, traduit avec une grande justesse de ton par Sylvie Nicolas, il fallait en convenir: nous étions devant un titre d'exception. D. Y. Béchard, grand lecteur et héritier de Faulkner et Joyce, signe un immense tableau multigénérationnel, qui a pour coeur une petite communauté gaspésienne, mais dont les trajectoires des personnages nous mènent partout à travers l'Amérique du Nord; une histoire qui traite tour à tour de jeunesses volées, d'amours forcées et de fuite, de violence père-fils et d'incompréhension père-fille, de délire religieux et de mille choses encore, le tout dans une écriture stratifiée, complexe mais élégante.

Vandal Love ou Perdus en Amérique est un récit exigeant, mais qui récompense l'exigence à grands souffles de poésie et de sombre beauté, et dont la mécanique impeccable fait en sorte que, malgré quelques longueurs et la tendance d'un jeune auteur surdoué à pécher par excès, en outre dans les images incorporées à ses descriptions, nous vivons là, véritablement, une très grande expérience de lecture.

À lire si vous aimez /Le Monde selon Garp de John Irving